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Dana Yelmaz
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Dana Yelmaz
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Dana Yelmaz
Jeu 2 Avr - 8:10
Dana Schemselnihar Yelmaz

  Votre surnom
  Votre sexe Féminin
  Votre âge 26ans
  Votre race Néphilim, sorcière
  Votre groupe Gardiens
  Vos compétences ...
  Vos faiblesses ...
  Vos pouvoirs ...
  Votre crédo ...


 
Description du mental

 
...


 
Description du physique

 
...


 



Dernière édition par Dana Yelmaz le Dim 6 Déc - 10:08, édité 2 fois
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Dana Yelmaz
Jeu 2 Avr - 8:53
Première partie de l'histoire


« Tu crois qu'elle t'aime ? Tu es stupide. Schems, tues-le. »

Le rire de Bardiya, mon époux, éclata moqueusement dans la salle de réception. Très grand, trop musclé, il m'avait toujours inspiré beaucoup de méfiance. Jambes écartées mais les appuis fermes, il tenait son épée de sa main droite, les bras détendus. Sa posture très ouverte faisait penser qu'il n'était pas sur ses gardes. Il portait d'ailleurs un caftan vert d’apparat au brocart le plus fin, ce qui n'était pas une tenue de combat. Nous nous apprêtions à célébrer le printemps, dans une salle de réception décorée de fleurs fraîches et écloses, encore dans l'ombre, le temps que les festivités débutes. Je faisais face à mon mari, et entre nous se tenait Shahin, un tendre amour de jeunesse... D'une musculature athlétique, quoique plus normale que son opposant, sa garde était fermée. Contrairement à Bardiya, il avait une armure complète, prêt à se battre. Faisant fi de l'ordre que j'avais reçu, je réfléchissais à un plan.

« Je suis venu me débarrasser de vous, répliqua fermement de sa voix douce et grave mon beau défenseur. Elle a pris sa décision.
- Shahin,
soufflai-je. Personne ici n'a besoin d'être sauvé. Va-t-en. »

Comme Bardiya, je n'avais qu'une robe de fête assortie à la sienne. Shahin se tourna à peine dans ma direction, il allait foncer sur son adversaire. Il se figea lorsque je tins son bras, le retenant un moment avant de m'interposer entre lui et mon époux. Une fois encore, je lui demandai de partir, sauf qu'il me rétorqua :

« Toi, pars. »

Leur combat commença suite à sa charge enragée. Je voulus intervenir mais l'empereur me l'interdit d'un regard, en conséquence je m'éloignais et attendis, immobile. Mon prétendu sauveur donnait le meilleur de lui dans cette lutte. Après tout, il avait été un de nos meilleurs maréchaux. Son épée glissait et piquait, dévoilant l'excellence de son propriétaire.

« Tu as vraiment confiance en cette putain ? se moquait Bardiya. Si je pouvais, je te la donnerai. Je m'en débarrasserai. »

La rage de Shahin fut sa réponse. Ils se battirent de cette façon un long moment qui me fut pénible, leurs lames dansant dans une frénésie belliqueuse. Des tables furent bousculées, de la vaisselle brisée. Les fleurs jonchaient tristement le sol, dans des flaques sanglantes de vin, quelques chaises étaient retournées à cause de leur violence. Je n'aurais jamais pu prévoir d'en arriver là, et pourtant j'avais vécu bien des choses imprévisibles. Le chagrin commençait à noyer mon cœur, je n'avais plus de force pour ces intrigues. Je ne pouvais souffler que depuis quelques mois, et j'avais promis de ne plus prendre les armes, y compris dans des moments tels que celui-ci...

« Te battre comme ça pour une femme... cette femme... dit Bardiya mi amusé, mi énervé. »

Sur cette phrase, mon soldat réussit une attaque qui fit perdre l'équilibre à Bardiya. Déstabilisé, ce dernier tomba à côté de moi qui l'aidai aussitôt à se relever. Contre toute attente il me jeta sur Shahin, qui voulut piquer son fer en son ennemi. Hélas, c'est moi qui fus touchée, le flanc transpercé. Mon beau soldat fut figé, comprenant ce qui c'était passé en dépit de la rapidité de l'action. Bardiya profita de cet instant pour tenter une autre offensive, mon défenseur me mit hors d'atteinte derrière lui et para l'attaque en esquivant et contre attaquant à mains nues.  Malgré mes avertissements, je le sentais déterminé, prêt à tout. Je retirai l'épée, ne sachant comparer quelle douleur je préférais supporter ; la mienne, ou voir mon amant ébranler par une cause perdue.

« Elle n'est qu'un poison, finit Bardiya sur un ton plus lugubre que ses précédentes railleries. »

Je pris Shahin, essoufflé, dans mes bras, serrant son dos contre mon buste. Ma tête était posée contre lui, j'entendais son cœur battre anormalement vite. J'eus un soupir, soulagée que cela prenne fin, tandis que mon époux pestait et s'énervait, m'insultant avec beaucoup de volonté. L'homme que je tenais sans force fus désarmé de sa vigueur avant même que je puisse agir, les bras tombant le long de son corps, car il savait que je le trahirai et cela lui ôtait toute volonté. Je pointais avec sa propre épée entre ses épaules. Quand j'eus assez d'esprit pour l'en fendre, il s'y laissa empaler, tandis que de mon autre main j'appuyai à peine, plus pour le rapprocher de moi que de l'enfoncer. Je finis sur les rotules, le souffle court, le beau Shahin sur moi... Son visage abîmé par ses précédents sacrifices s'articulait douloureusement, et ses yeux me regardaient, pendant que je caressais les boucles dissipées sur son visage, avant que son dernier souffle n'expire.

« Nos sangs sont désormais mêlés sur la même lame, l'hymen tisse son lien,
susurrai-je. Puisses-tu partir en paix à présent. »

Anéantie, je le lâchai, son corps retomba sur mes cuisses. Je le poussai pour pouvoir me lever, tremblante. Mon esprit meurtri ne pouvait en supporter davantage... Toutes ces batailles, ces aventures, qui se résumaient par des morts et la souffrance des survivants... Bardiya vint vers moi, récupérant de ma main l'arme qui m'avait servie à tuer mon amant afin d'abréger ses souffrances. D'un sourire ravi, il me demanda :

« Tu seras toujours avec moi ?
- Toujours,
répondis-je avec un sourire fatigué. »

J'enjambais le corps inanimé pour me rapprocher de mon interlocuteur. Impatient, il me tira sèchement par le bras, une satisfaction démente se lisait sur son visage.

« Sa Majesté impériale est difficile à rassurer. J'ose espérer que ce modeste sacrifice m'accordera vos grâces.
- Je ferais proclamer un décret impérial qui nommera ton père prince de Temelis. Après tout  les services que tu m'as rendus, tu l'as amplement mérité ! Mais ne me quitte plus. Je deviendrai fou sans toi !
- N'est-ce pas ce que je vous ai promis ? Je...
- Schems... ta blessure... »


Je sentais plus que de l'ichor sortir de l'entaille. Au-delà de mes entrailles, il y coulait le flot impossible de mon intégrité. Je me vidais entière de ma dignité. Peut-être par dégoût de mon être, un haut le cœur me pris, avant que je ne rende de l'ichor, le crachant sur ma manche par réflexe.

« Schems ! Schems ! Reste avec moi ! »

Il me porta pour m'allonger sur une table, dépourvu de l'assurance qu'il avait osé montrer plus tôt. Ses traits étaient tirés alors qu'il hurlait à l'aide. Dans toute sa détresse, je me sentais soulagée, j'oserais dire amusée. J'étais contente qu'il souffre. Il savait ce qui arriverait si il m'arrivait du mal, et il s'était comporté comme si de rien n'était... comme si le pacte entre les dieux et les mortels n'avaient jamais existé. Au loin, j'entendais les crieurs appeler :

« Les médecins pour la salle des fêtes ! Les médecins pour la salle des fêtes ! »

______________________

Sous cet ombrage, où l'écho se retire,
L'on plaint ses maux, sans se rendre indiscret.
Et si l'écho s'occupe à les redire,
C'est aux rochers qui gardent le secret.

Avant de devenir l'impératrice d'Esfandyar, reine des Enfers et déesse, et obtenir une puissance suffisante pour soumettre à moi des continents, j'ai commencé par n'être qu'une enfant. Une fille née en plein hiver, bénie par les augures sinistres qui échappent au commun des mortels. J'étais née à cause d'une tentation non contenue, de désirs violents et d'une rancune tenace, dans la saison du deuil. Unique enfant de ma mère, mais cadette au sein d'une famille recomposée comprenant déjà huit filles, j'avais l'air gauche et mal assortie. Chacune de mes aînées brillaient de plusieurs talents, je n'étais qu'une lune noire au milieu d'étoiles superbement scintillantes. Je ne pouvais être plus polie, mieux apprêtée, ou plus adroite, dans un art qu'elles n'avaient auparavant pratiqué avec succès. Comme si cela ne suffisait pas, on ne s'occupait pas beaucoup de moi. Pour ma mère, cela ne pouvait passer. Vraiment. Colérique, désobéissante, égoïste, menteuse, voleuse, gourmande, peu concentrée, tout un désordre réuni en une fillette adorable au possible. Ah oui, j'étais une belle pousse de pisseuse, mais bien élevée et qui savait comment s'y prendre pour s'en tirer. Des bêtises, j'en ai fait, mais j'en ai fait ! Rien que par mon existence, j'étais un stress insoutenable pour ma génitrice, mais ce que je lui faisais subir... Mais ce mais qui subsiste, qui revient et se répète, ce n'est pas pour rien. Je faisais des bêtises, d'accord, de gentilles farces de mon âge.

De vous à moi, fallait-il me juger ? Pas de gouvernante, des sœurs qui me mettaient souvent en quarantaine, une mère qui avait peu de temps à me consacrer. Des fois, elle avait un faible élan affectueux, vite interrompu par cette ombre de reproches incessants qu'elle me faisait, cette culpabilité fantomatique qui l'imprégnait toute entière. Entre deux trois bêtises, j'essayais de lui plaire. Par un bouquet de fleurs des champs composé par mes soins, ou des friandises offerte avec mes petits sous hebdomadaires. Je me retenais de finalement les garder pour moi, et regrettais quand j'avais un bref remerciement et un sourire effacé. Je reprenais mes activités, préférant m'amuser et risquer ses colères que de m'attarder sur ces essais d'attirer son attention. Elle s'efforçait de m'accorder du temps, de me manifester un peu d'amour. Elle partageait avec moi son goût de la lecture et des arts, tentant de canaliser mon énergie dans des loisirs moins agités.

Nous n'étions pas riches, juste ce qu'il faut. Ma mère, Sofiana al Tahar, travaillait aux services d'entretien et de restauration de la bibliothèque royale, quand à son mari, Achôris al Tahar, il était le précepteur d'un des fils du roi, Bardyia et Jeiran, futur prodige de guerre. Il ne s'occupait pas plus de moi que de ses autres filles, c'est dire si il s'était aperçu que j'étais le mouton noir de la bergerie voisine. Il nous voyait un peu plus comme des investissements, et le prestige qu'il avait en côtoyant les grands de la cours lui permettait de pouvoir bien placer ses pions.

L'enfant pleine de vie que j'étais ignorait ces choses là, jusqu'à mes six ans. On ne fêtait pas mon anniversaire d'habitude, j'avais seulement droit à de petits cadeaux sans grande cérémonie, point. Cette année fut plus exceptionnelle que les autres ; ma chère maman finit par avoir un peu d'intérêt pour moi. Elle nous fit voyager de longues et interminables heures dans une retraite de la forêt. Je n'avais pas l'habitude de lui parler, en conséquence le voyage fut silencieux. Je n'avais pas tenté de savoir où elle nous menait à dos de cheval, je m'ennuyais et trouvais cette année pire que les autres. L'idée qu'elle voulait me vendre ou m'abandonner me traversa l'esprit un moment, sans que je ne m'en alarme. On arriva près du lac Écho où, d'après les légendes, plusieurs amours périrent. Près de celui-ci, il y avaitt une petite maisonnette rougie par le crépuscule. Du reste, les arbres étaient très fournis et nous couvraient, toutefois j'y imaginais des brigands et des bandits, ne contenant ma peur que grâce au calme de ma mère. Après avoir entrepris un ménage éreintant et préparé la cuisine, je questionnais ma génitrice sur la raison de notre venue. J'étais morte d'inquiétude au fond de moi, me demandant laquelle de mes entreprises excentriques avaient pu me mener là. À la lumière faible de la flamme, j'observais son visage impassible. Elle avait de longs cheveux blonds vénitiens, des yeux gris contenant les déluges. Belle et froide, elle avait eu de très nombreux soupirants, et choisit Achôris, une union sans amour, un choix des plus étranges par rapport au buffet de bons partis qui lui avait été proposé.

« Cet endroit est sacré pour nous autres, avait-elle commencé à me répondre. Je dois t'avouer une chose importante, mon enfant... Tu es là car tu es comme moi : une sorcière.
- Les sorcières ont été bannies du royaume parce qu'elles ont trahi les dieux,
m'offusquai-je. Je veux pas être une sorcière.
- C'est difficile à admettre, ma chérie. Néanmoins, c'est ton héritage ; sois en fière, dit-elle dans un sourire conciliant. Tu pourras choisir la sorcière que tu seras, cela ne fait pas de toi quelqu'un de mauvais.
- Mère, je suis sage et ne fais plus de bêtises depuis si longtemps, si vous m'avez amenée là pour me vendre ou me tuer, je préfère encore ! m'écriai-je d'un ton colérique. Vous n'êtes qu'une méchante femme, la seule sorcière de cette maison ! »

Je crachais dans le potage qu'elle s'était donné la peine de préparer avant de quitter la table, en furie, essuyant les larmes qui me brouillaient la vue. Elle ne me retint pas, ne me gronda pas, rien. Cette fois-ci, elle me laissa  aller avec tristesse. Je me couchais non loin, l'habitation rustique comportait cuisine, séjour, chambre et salle à manger en une fois. Je ne voulais pas me faire exclure, risquer ma vie, j'avais peur. Je ne voulais pas être vendue ou tuée, mais une sorcière ! Contre mon gré, j'explosais en larmes sous la couverture, me mordant de rage pour étouffer les sanglots. Tendrement, sa main maternelle épousa ma peau le temps de me consoler, essuyant les yeux et le nez, et me disant doucement que ça allait aller, que tout irait bien...

Cet instant chaleureux, qui faisait suite à un gros chagrin et à ma confusion, me réconforta. Je m'endormis ainsi, songeant que le voyage, finalement, avait été plus paisible qu'ennuyeux, la maisonnette était plutôt pittoresque que campagnarde, que la forêt alentour était paisible au lieu d’effrayamment silencieuse. Tout change quand on se sent aimé ! Ou presque... La voix de ma mère faisant des reproches m'éveilla. D'habitude, c'était à moi qu'elle parlait ainsi, mais pas pour me réveiller en pleine nuit. Bien qu'elle contenait sa voix pour me laisser dormir, elle paraissait tellement en colère que j'en étais très surprise. J'ouvris les yeux, me relevant sur un bras, pour voir de quoi il s'agissait. En face d'elle se tenait un homme assis sur une chaise, trop robuste dans ce décor, rendant l'ensemble miniature. Il me vit réveillée et me regarda. À son tour ma mère en fit de même, les deux se taisant.

« Qu'est-ce donc mère ? Vous vouliez vraiment me vendre ? demandai-je d'une voix ensommeillée, tentant de me ressaisir en m'asseyant sur la couche.
- Non gamine, répondit l'homme. Je me nomme Walefzar Yelmaz, ton vrai père. »

Nulle embrassade, malgré le fait qu'il y avait beaucoup d'émotions. Non, je plaisante ! J'étais juste sous le choc et lui n'avait pas l'air de savoir quoi dire de plus. Ma mère prit la parole juste après cette brève présentation.

« Dana, pardonne-moi pour cette annonce si soudaine, je voulais t'en parler plus tôt, mais tu avais l'air si bouleversée. Walefzar, comme promis autrefois, je te présente ta fille. Ne t'attarde pas davantage et va t-en.
- Je comprends ta colère, femme. Pourtant, je suis heureux. Tu m'as offert plus qu'une simple fillette. Tu auras beau me détester, je te suis reconnaissant, et... c'est vrai que... C'est vrai que le marché était une simple présentation. C'est pour cette raison que je te demande, très chère femme, de me laisser encore un moment avec notre enfant.
- Tu l'as dit, c'est trop me demander. Contente toi de revenir quand elle sera en âge de faire ses choix.
- Prends garde à ton manque de coopération ! Il y a les lois des hommes, et les lois de l'Orcus. Cette enfant est une fille de la nuit, elle m'appartient plus à moi qu'à toi !
- Dans ce cas, fais ce que bon te semble ! Elle ne sera pas plus heureuse avec toi, parmi les tiens, qu'ici, avec les hommes. Vos lois sont abjectes et rabaissantes.
- Abjectes et rabaissantes ? Tu t'y es soumise et tu as pris le pouvoir qui allait avec !
s'emporta-t-il. Et toi fillette ? Que désires-tu ? Rester avec cette femme perfide, qui t'as empêchée de rencontrer ton père et de connaître ta véritable nature, ou veux-tu venir avec moi, être traitée comme une reine, ma digne héritière ? »

L'inconnu s'était levé. Je le regardais complètement stupéfaite sans rien dire, avant de me recoucher, complètement sonnée. Machinalement, je murmurai :

« Mon père est Achôris al Tahar. Je ne reconnais pas d'autre père. »


J'avais perdu le fil. De toute évidence ma raison n'était plus avec eux. Je flippais, j'étais fatiguée, et aucune des propositions faites ne m'avait convenue. Voyant que j'étais perdue, l'étranger vint à moi avec mille précautions. Il posa un genou à terre avant de me tendre un anneau de fer, gravé de signes inconnus pour moi.

« Nous ne nous connaissons pas, mais nous partageons le même sang. Je te protégerais où que tu sois, te soutiendrais quelque soit tes choix. Tu es une Yelmaz, et quand tu seras prête tu viendras à moi. »

Sur ces mots, il m'embrassa et s'en alla. On ne reparla pas de cette aventure avec ma mère. Toutefois, elle commença à m'enseigner la sorcellerie et l'histoire de ce que mon père avait appelé l'Orcus, le pays de la nuit, des démons et des sorcières. Plus globalement, des arts ésotériques, où tout êtres vit librement.

Avec le temps, notre relation mère-fille fut de plus en plus forte. Je m'étais assagie, néanmoins, j'avais beaucoup d'imagination et je ne tenais pas en place. Contrairement à mes sœurs, je n'étais pas reconnue pour ma gentillesse et ma prévenance, plutôt comme bonne cavalière et épéiste. Bon, d'accord, je ressemblais plus à ces enfants qui jouent aux soldats plutôt qu'à ces guerriers très classes et décorés, ce que je désirais devenir. Je pus intégrer la formations des hachilotes, bien que cela partait de la volonté de me dissuader de l'armée. J'étais aussi la cible de moqueries et farces nombreuses dans mon régiment, ce qui déclencha chez moi une grande compétitivité. La peur d'être la dernière, pire encore : de ne pas être la meilleure ! Cette peur m'obsédait. Autant vous dire que sur ce terrain je ne plaisantais pas. Je savais que si je n'étais pas l'unique championne, je me ferais railler et bizuter jusqu'à ce que mes bourreaux s'épuisent. Déjà qu'on disait de moi que j'étais impossible à marier, que j'étais un garçon manqué et que je préférais les femmes, je n'avais pas le droit de faire un pas de travers. Je cédais à la pression sociale, par conséquent, sur les conseils de mon père (le mari de ma mère, pas le vrai), je participais à toutes les réceptions et forçais la coquetterie. De vulgaire tribade entêtée je passais à l'ingénue en fleur le temps d'une conversation. Cela m'apprit à m'adapter à mon environnement et le manier selon ma guise. Pour le plus grand plaisir de mes parents, je reçus mes premières demandes en mariage un peu avant mes quatorze ans, enfin !

Dans le royaume d'Esfandyar, il n'était pas plus difficile d'évoluer selon si on était un homme ou une femme, sous condition bien sûr. Les difficultés se présentaient si on était marié ou non. Si on l'était, on était considéré comme stable et sérieux, utile à la nation car on apporte éventuellement des enfants, alors que si on ne l'était pas, on perdait en crédibilité. Les femmes étaient encouragées à maintenir une carrière, car nous étions belliqueux et étions dirigés par des conquérants. Il fallait que toutes les activités soient maintenues en temps de guerre, et c'était leur rôle de faire tourner la machine en attendant. Ainsi, il n'était pas rare, contrairement à d'autres pays, de rencontrer des femmes dans les plus hautes sphères. En revanche, les métiers militaires étaient presque exclusivement masculins. C'est pour cela que mes efforts en société soient enfin reconnus était un soulagement pour mon père adoptif.

Chaque année, depuis la visite de mon père biologique, je recevais un présent d'une certaine valeur.  La veille de mon dix septième anniversaire, je reçus un magnifique couteau d'argent, dont la garde était faite du même métal. Un cadeau symbolique qui devait être la lame de mon mariage, celle que l'épouse utilise pour mêler son sang et celui de son mari. Il y a une certaine ironie lorsque je repense à l'innocence de mon adolescence... Quand on sait que par la suite, j'allais être mariée à deux hommes, et que je découvrirais l'enfer des unions stratégiques et des drames amoureux... Mais revenons au couteau. Ma mère me le remit dans la soirée tandis que nous prenions le thé. À Esfandyar, où je résidais dans ville fortifiée de Kayanian, le temps était sec et très lourd la moitié de l'année. La canicule durait bien deux saisons dans cette région au climat désertique, où les seules richesses résidaient dans les mines. Avec le temps, des systèmes ingénieux d'agriculture furent mis en place pour garantir la disponibilité de certains produits frais. C'était une coutume de boire des infusions et du thé accompagnés de fruits et diverses friandises. Je humais toujours le parfum de ma boisson, ici de la sauge et du citron, avant de la déguster. Comme on était entre femme, on portait des robes de chambres légères et semi opaque qui se soulevaient dans le courant d'air chaud. Accoudée sur le rebord de la terrasse, je l'écoutais me faire de nouvelles confidences.

« Tu t'y prépares depuis longtemps, bientôt tu seras reconnue en tant qu'adulte à Orcus. Tu connais le monde des hommes et celui de la nuit, et pourtant je ne t'ai pas encore tout dit, disait-elle avant de reprendre son souffle. Ton père... Walefzar Yelmaz. Il n'est ni homme, ni démon, ni même sorcier. C'est un néphilim.
- Et c'est quoi ça ? Un néphiii... ?
- Des êtres issus des fées et des démons. Ils connaissent bien la magie et ont une capacité physique à l'amplifier. Normalement Walefzar a la peau d'un rouge sombre et des yeux d'un vert plus pétillant, deux choses que tu n'as pas eues, heureusement.
- Que s'est-il passé entre vous ? Vous n'avez pas l'air de vous appréciez...
interrompis-je, noyant mon regard dans les étoiles.
- Nous nous sommes rencontrés lors d'une fête en l'honneur d'un de nos ministres, et j'ai eu le malheur de lui plaire. Il a essayé de me séduire, je l'ai repoussé. Il prit ce que qu'il put de moi, puis tout est allé très vite, et tu es née.
- Mère, je suis désolée de l'apprendre...
- Ne le sois pas. Il m'a permis d'accéder au rang de Maîtresse en Sorcellerie, et lui même est Duc des terres d'Embréis, un territoire important de l'Orcus. Nos vies sont longues comparées à celles des humains ! Par ta naissance, nous sommes mariés lui et moi. Si tu as bien retenu tes leçons, nos règles sont différentes et peuvent paraître complexes.
- En effet, j'ai du mal à comprendre que l'on puisse se faire violer et se marier à son violeur ensuite. La puissance dirige beaucoup trop de choses.
- Dana, si je t'en parle, ce n'est pas pour que tu te fâches. Demain, ton père sera là. Il devra te présenter à notre communauté avant que n'ait lieu ton Baptême de Sang.
- Si c'est de mon obéissance dont vous avez besoin, je vous la garantie. Seulement je vous rappelle que je ne connais peu cet homme, qu'il me fait peur et que je pressens quelque chose de mauvais arriver. Cela va faire deux jours que je vois les buses au zénith plonger sur la gauche. C'est inhabituel.
- Tu as peur, tu vois des signes partout. Je vais te faire monter de l'opium et du vin pour te détendre. »


J'eus beau tirer sur le narguilé ce soir-là, mes pensées restaient les même. Walefzar m'inspirait beaucoup de crainte. D'une façon générale, il se comportait bien avec moi. On pouvait dire que j'étais pourrie gâtée. Il m'envoyait régulièrement des confiseries, des fruits rares, des tissus introuvables. On s'était vus durant quelques rendez-vous, il m'avait fait comprendre qu'il attendait de moi une exemplarité parfaite. Il désapprouvait que j'intègre les hachilotes, d'autant plus qu'il était l'un des maîtres d'arme royal. Il désirait que je me concentre davantage sur la sorcellerie et sur les cultes de nos dieux.



Dernière édition par Dana Yelmaz le Lun 9 Aoû - 14:56, édité 3 fois
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Dana Yelmaz
Jeu 2 Avr - 9:36
Deuxième partie


Dans nos retraites,
Grandeur, ne viens jamais offrir tes faux attraits!
Ciel, tu les as faites
Pour l'innocence et pour la paix.

Une fois n'était pas coutume, on ne fêta pas mon dix-septième anniversaire, à ma demande. J'annonçais mon retrait temporaire de l'armée, ce qui plut au mari de ma mère, qui avait des contacts pour me faciliter la sortie sans que je sois considérée comme déserteuse. Cela arrangeait mon image et il se dépêcha de parler de mes autres talents pour me vendre le plus vite possible. Je demandais un congé, prétextant un besoin de vacances. Ma mère me couvrit et prit les devants pour que je parte assez longtemps auprès de mon vrai père. Ce dernier n'était pas content de la sorcière que j'étais ; maladroite et flemmarde, je n'avais pas trop révisé ces temps-ci. J'avais même aggravé mon cas en m'étant coupé les cheveux il y avait quelques temps, il me le rappelait encore... Ignorant son comportement bourru, j'essayai de suivre les vœux de ma ma mère en restant sage et docile, bien que je ne pus m'empêcher d'avancer que j'étais une très bonne combattante, pour ne pas dire excellente, et que si on me réintégrait, je pourrais participer aux prochaines missions car j'avais eu du succès dans les précédentes. Il balaya mes propos par une ignorance totale. Il avait tout organisé de toutes façons, alors ont fit ce qu'il voulait. Il me présenta à tout le gratin de l'Orcus, leur annonçant que je serais bientôt baptisée. Ce monde n'était pas si différent du notre, à part pour la magie et les races qui l'habitaient. Il y avait des échoppes pour des potions et reliques à foison, contrairement à Esfandyar où il n'y avait que quelques mages à la cours du palais. Je passais un an à ses côté, jusqu'à mon Baptême de Sang. Ce qui ne devait durer qu'un mois avait fini par s'étirer à ce point... Ma mère tenta de me reprendre avant, en vain. Elle du mentir en disant que j'avais pu intégrer la cours d'une princesse lointaine, et que cela serait bénéfique à mon éducation.

Enfin, nous y étions... le Baptême de Sang, espéré des adolescents agonisants d'amour. Y trouverai-je mon âme-sœur ? Le seul que j'espérais était un soldat que mon père désapprouvait, et je n'avais pas le cran de m'imposer. La nuit de la cérémonie s'organisa au bord du lac Écho, en plein hiver. Étaient présentes, pour la fête, des sorcières, des démones, et d'autres créatures féminines, toutes de rouge vêtu, indiquant qu'elles étaient déjà initiée. Une prêtresse, la seule habillée de noir, nous présidait. J'occupais la seconde place auprès d'elle, portant une robe blanche signifiant que j'allais recevoir le sacrement. Sous la lumière froide de la lune, elle récitait de vieux vers et nous lisait des prières ancestrales, nous les faisant répéter quand il le fallait. Sa tête était ceinte d'une couronne de myrte d'où s'échappaient des boucles blondes. À son signal, j'avançai vers elle et me fis déshabiller par les femmes présentes. Face à elle, je m'agenouillai, les mains en prière. Je jurais amour, dévotion et bien d'autres choses que je ne comprenais pas. Je savais que j'offrais ma chair, mon sang, et mes ossements, au dieu des passions et de la guerre, Tarazed, qu'on invoquait pour échanger mon dévouement contre sa protection et ses pouvoirs. Trois fées se firent témoins et marraines, dont ma sublime aïeule, Arsinoë, désignées par mes parents bien avant. Elles me baignèrent de façon rituelle sous la clarté lunaire, au rythme des chants glorifiant la nature et m'accueillant avec douceur. Après cela, elles dessinèrent les symboles de la puissance, de la vie, et du savoir, respectivement entre mes épaules, sur mon cœur et sur mon front, avec le sang d'un agneau sacrificiel, et on me fit boire du vin, représentant le sang de la première prophétesse de Tarazed. Je fus d'une grande sérénité, jusqu'à l'étape de la nomination.

« Accueillons avec bienveillance notre nouvelle sœur, qu'on appellera désormais l'amie Schemselnihar ! Buvons à la santé de Schemselnihar ! Buvons à Tarazed, notre dieu bien aimé ! »

Ainsi parla la prêtresse. On partagea un vin fort et la musique nous engagea dans une fête étourdissante, l'ultime reconnaissance étant l'extase la plus absolue. Les hommes se joignirent plus tard à nos jeux, accomplissant mon Baptême de Sang par une cérémonie trop sensuelle à mon goût. Il y avait, parait-il, des princes infernaux, que ma mère m'avait conseillé de garder à distance. Il en était de même pour les démons, dont je devais me méfier autant. Bien que reine de la nuit, je sus me soustraire et rejoindre secrètement mes appartements dans la nuit, me sentant protégée par la forêt qui autrefois m'effrayait. J'y empruntais un passage pour retourner au château de mon père secrètement, espérant que mon absence ne serait pas remarquée.

Dans la soirée, je reçus mes premières remontrances. J'étais accusée de ne pas avoir honorée mon protecteur divin par les plaisirs charnels. La lune et le soleil se disputaient le crépuscule tandis que j'écoutais les reproches répétés par l'intendant de mon père. J'avais mis une toilette simple et élégante, et mes cheveux étaient tirés et très disciplinés. Pendant qu'il évoquait ma faute, je me défaisais de cette apparence trop triste pour me rendre dans la salle d'eau, exposant cette fois-ci ma nudité de façon insolente, alors que j'allais seulement me laver. Mon attitude désinvolte remonta aux oreilles de mon cher père qui, courroucé, intervint dans cette histoire. A peine séchée et habillée, il se rendit à son tour dans ma chambre accompagné de son employé, suivis eux-mêmes de plusieurs servantes. Cette irruption de monde faillit m'impressionner, mais que nenni, j'étais fière et arrogante ! Le géniteur qui avait voulu se donner une image sympathique de lui était, ce soir-là, énervé. Sa voix de bon vivant se rapprochait plus du rugissement. Avec amertume, je m'étais souvenue qu'il me valait mieux obéir au doigt et à l’œil, seulement... j'étais trop présomptueuse et je ne pouvais tenir ma promesse ! Je ne voulais pas finir la cérémonie et j'avais cru que je pourrais m'en sortir. En proie à mon raisonnement intérieur, je laissais les servantes s'occuper de moi. Deux d'entre elles me chaussaient, me coiffaient et me maquillaient.

« Ma progéniture, en mon domaine, ose bafouer nos lois sans scrupules ! grondait-il férocement. »

Les servantes tremblaient, je faisais tout pareil. Je ne voulais pas faire front au paternel survolté de colère. Il abrégea quand même, écartant d'un bras lourd deux des femmes qui me mettaient des bijoux. Seulement effrayée, je le regardais avec des yeux écarquillés. Nous avions le même visage presque, même dans son apparence transformée je me reconnaissais en lui. L'instinct de survie activé, mon regard se fit encore plus triste et fuyant, cherchant à l'attendrir sans succès.

« Tu t'es moquée de notre dieu, notre protecteur à tous, et tu dors encore sous mon toit ?! hurla-t-il. »

Son visage à quelques centimètres du miens, je détournais le regard. Je ne pouvais qu'imaginer sa face déformée par la colère ; j'avais commis une énorme faute. Mais franchement... une fête en mon honneur dont je n'appréciais pas les activités, je n'en voulais pas. Cette orgie animale m'avait répugnée, l'alcool et les drogues ne pouvaient m'aider à me désinhiber au point de les tolérer. Ma virginité faisait encore de moi une enfant, je ne serais jamais considérée comme une adulte officiellement et le dieu ne m'accorderait pas plus de puissance si je ne lui faisais pas ce sacrifice. Mon hymen intact serait donc le boulet me rattachant au rang de fillette, de gamine. A cause de cela, les enseignements supérieurs me seraient refusés.

« Pardonne-moi, père. J'ai pris peur...
- TA VIRGINITE EN ECHANGE D'UN POUVOIR IMMENSE, C'EST DE CA QUE TU AS PEUR ?!
m'interrompit-il furieusement.
- Père, je t'en supplie, accorde-moi le pardon, je saurais te prouver ma valeur ! »

Les yeux larmoyants, je mettais le paquet, la main sur le cœur. Naïveté que de croire qu'il serait attendri !

« Alors tu sais ce qu'il te reste à faire, reprit-il sur un ton plus retenu. Tu veux quoi ? Un homme, une femme ? Tu pourras te marier plus tard si les convenances futiles de ton monde te manque tant ! »

Je déglutis, prise au dépourvu. Je m'éloignai de quelque pas, repris ma respiration, et regardais autour de moi. Les domestiques et l'intendant étaient paralysés de peur, moi-même j'ignorais ce que je pouvais faire ou dire sans rien empirer. Cet homme qui m'avait conçue n'était rien de plus qu'une image bien terne dans ma vie, terne et terriblement méconnue. À part m'effrayer, il ne m'inspirait rien. Les cadeaux qu'il me faisait, ses égards pour moi, n'étaient qu'une façade.

« Ta mère ne t'a rien appris. Ses délicatesses romantiques ne te sont pas utiles en cet instant. Si tu ne décides pas, je t'enverrais quelqu'un. Peu importe de qui il s'agit, tu le prendras et on passera aux choses sérieuses.
- Non ! Si c'est comme ça, je ne veux pas ! Je renonce à tes promesses de... »


Il s'en alla comme un pet, avec sa suite tremblante, fermant soigneusement la double porte à clé.  Ne pas céder à la rage... Juste réfléchir et imaginer les alternatives... Légalement, j'avais le droit de refuser cette sorte d'alliance divine, sauf qu'il y avait une pression énorme sur ceux qui osaient dire non et se détournaient. Si il avait violée ma mère, qu'il aimait d'après lui et aime encore aujourd'hui, je ne devais pas me faire d'illusion sur ce qui m'arriverait.

Rien ne l'arrêterait. Ma mère ne réussit pas à s'épanouir à cause de ce criminel. Il n'hésiterait pas à mettre son projet à exécution, c'était certain au vu de ses antécédents. Je constatai qu'il faisait des efforts pour m'être aimable, je l'ai même considéré comme mon héros parfois. J'aimais être sa petite princesse, sauf que je devenais adulte et qu'il n'arrêterait pas ses ambitions pour mon sourire. Je regardais par la fenêtre, histoire d'estimer mes chances d'évasion. Étant donné que je logeais dans un château, il était prévisible que les prises soient nombreuses mais risquées pour l'escalade. En changeant de vêtements et avec quelques ceintures pour me tenir, je devrais pouvoir m'en sortir. Préparant mon attirail, je me prenais très au sérieux dans cette décision, jusqu'à ce qu'au bout de quelques instants Walefzar revint avec, en sa compagnie, un charmant jeune homme. Il était d'une beauté exceptionnelle, des muscles fins, un regard attendrissant et des cheveux ondulés attachés au ras de la nuque.

« Ce jeune prêtre te sera dévoué. Il est honoré d'avoir été choisi pour te servir et te guider. »

A peine eût-il finit que le bellâtre s'approcha et s'inclina.

« Je suis honoré de te servir, Schemselnihar . Je promets de parfaire ton apprentissage sur nos lois et nos dieux.
- Tu n'as pas à faire ça,
répliquai-je en m'avançant et en le relevant pour qu'il me fasse face.
- Il ne te convient pas ? C'était juste mon favoris. Il y en a d'autres qui attendent derrière, moins expérimentés que lui c'est tout.
- Comment peux-tu insister autant ?
questionnai-je aussitôt. Je veux retourner chez moi et reprendre les armes. Si pour cela je dois renoncer au pouvoir, j'accepte !
- Tu as l'air de croire que ton avis est utile. Dans ce monde ou un autre, tu es ma fille, donc tu m'appartiens et je peux faire de toi ce que je veux. Si tu ne veux pas coopérer, ta mère perdra ses titres et son honneur. Je te reconnaîtrais devant le roi d'Esfandyar, un fidèle allié de l'Orcus, et ton père adoptif la reniera. Sa faute pour adultère et la déchéance de ses pouvoirs l'anéantiront. Tu n'es pas très intelligente, un peu maligne, alors cogite... Sachant que ta mère m'a vendue son âme pour pouvoir te garder près d'elle, c'est dommage que son investissement soit...
- Mais arrête, ça n'a pas de sens ! N'as-tu pas d'autres enfants, sûrement plus forts et en accord avec tes plans ?

- Tu es ma fille unique, et tu seras une femme puissante et accomplie, tu reprendras ce que je te léguerai et le feras prospérer, ou je trouverai d'autres moyens de te rendre plus obéissante. »

Le prêtre s'approcha de moi quand Walefzar s'en alla. Ma mère m'avait prévenue pourtant, et je savais que je ne pouvais pas faire grand chose. Effectivement, grâce aux lois de l'Orcus, il avait tout pouvoir sur moi. Si il le désirait, il n'avait qu'à effacer mon nom du livre familial – un registre propre à chaque famille sur lequel le chef de famille avait tout les pouvoirs - pour me faire disparaître, ou pire si il préférait me garder en vie. Assise au bord du lit, le regard perdu, je lui demandais d'un ton évasif de se présenter.

« Comme tu le désires. Je m'appelle Aour, je suis prêtre de Tarazed depuis mon enfance, dit-il avec douceur. Je ne veux pas te contraindre, mon but est uniquement de te montrer la bonne voie.
- Je m'en fiche. Je suis triste, personne ne s'est jamais intéressé à moi pour ce que je suis, on ignore mes désirs, et maintenant que je suis presque en âge d'être libre, je dois rendre des obligations aux uns et aux autres. Alors ton dieu, tu sais ce que j'en pense.
- Je ne te forcerai jamais à rien. Après Tarazed, je n'obéirai qu'à toi. Je te demande juste, en échange, de me faire confiance. »


Je haussais les épaules puis me levai pour me déshabiller et m'atteler à la tâche, sauf qu'il m'arrêta. Il me prit dans ses bras, naturellement je posais ma tête sur son torse. Il sentait le musc et le miel. Rarement je m'étais trouvée aussi bien, au point que j'eus un hoquet de surprise. Des fourmillements grouillaient dans mon ventre, j'étais entièrement parcourue de frissons. J'en voulais plus, je voulais lui demander, pourtant je l'écoutais me parler et me raconter des anecdotes plus ou moins drôles. Un bref instant, je vis un point lumineux sur son épaule gauche, brillant telle une étoile directrice. Ce point lumineux était difficile à voir, il symbolisait un lien très fort que seuls les sorciers pouvaient visualiser Je sus que je devais me fier à lui, jusqu'à me demander si il ne m'avait pas charmer.

Quelques jours après, nous partîmes en pèlerinage. J'étais abasourdie par la façon dont Walefzar s'accorda à lui et fut prêt à nous suivre, préparant une expédition légère. Il fut répandu partout dans le duché que j'étais pieuse et voulait racheter ma conduite auprès de Tarazed, allant jusqu'à me repentir dans son temple le plus reculé. On voyagea à travers diverses contrées durant des jours, alternant entre l'Orcus et le monde commun. Il n'y avait que peu de pauses pour récupérer des vêtements et des vivres. J'échangeais mes robes d'apparats contre une tenue masculine plus simple et discrète, couvrant mes cheveux ou les attachant de la même manière que les jeunes hommes, ressemblant à un adolescent. On ne voulait pas que je sois remarquée pour des raisons de sécurité, l'expédition de Walefzar était décalée par rapport à nous. On fit très peu d'arrêts, on évitait les villages pour ne pas se faire repérer et on chassait essentiellement pour nous nourrir et faire des réserves. Au fur et à mesure du parcours, on se dévoilait l'un à l'autre. Je découvrais en Aour un homme au cœur noble, un pacifiste sensible mais qui avait un caractère combatif et défendait ses idées. Il finit par me plaire, lui qu'on m'avait présenté comme un esclave sexuel particulièrement docile. Il m'expliqua qu'il exécutait la volonté de Tarazed, ce dernier lui aurait parlé en songe et demandait à ce que je vienne le réveiller. Une idée qui ne me plaisait pas, par contre je pourrais retrouver ma liberté en échange.

Aour était persuadé que son dieu nous protégeait, je le croyais puisqu'il arrivait à prédire des dangers. Nombre d'embûches furent évitées pour qu'enfin, au bout de dix semaines à dos de cheval, on arriva dans une ville déserte. On y trouva un temple délabré, le culte devait être important pour qu'il occupe une place centrale, on devinait en face les restes d'un palais et de bâtiments faits avec d'excellents matériaux, ce qui laissait supposer une grande prospérité. Aour acheva ses explications quand on fut au pieds du temple ; personne sauf moi ne pouvait pénétrer ce lieu sacré... car seules les femmes fréquentaient ce lieu autrefois. Il fallait qu'avec une danse rituelle j'éveille le désir du dieu pour le réveiller. Je ne pouvais entrer que sans arme car elles étaient interdites dans l'enceinte de le temple. Les briques fissurées et les plantes grimpantes donnaient une atmosphère mystique qui me fit vite changer d'humeur.  Les fresques défraîchies peintes sur les murs ne me parlaient pas beaucoup, même si j'appréciais les sculptures brisées et les fontaines desséchées. Il y avait une histoire à découvrir, j'allais le faire. D'ailleurs, ce ne fut pas compliqué. Je trouvais la statue principale dans une grande pièce, agencée sous une arcade aux rideaux délabrés. L’œuvre en elle-même était magnifique ; un athlète d'or gigantesque seulement vêtu d'une toge blanche, doté d'une couronne de dix rangées, travaillées en pointes et en piques avec tant de finesse que l'ouvrage parlait de la magnificence du porteur. Son visage n'était pareil à aucun autre, défiguré par la colère. Contrairement au reste, il était en parfait état. Je trouvais la quête plutôt facile, je m'en réjouissais d'avance. Je me changeais pour mettre une tenue plus séduisante pour danser, en mousseline brumeuses et soie palpable. Aour m'avait conseillé de bien me coiffer et de me parfumer, selon lui les dieux appréciaient ces efforts, et surtout de ne pas lésiner sur les bijoux.

Pour danser, j'avais besoin d'inspiration, inspiration que je puisais dans mes sentiments d'abord. J'avais imaginé une rose, une rose avec des épines plus acérées que les dents d'un dragon. Je devenais cette rose dans ma danse, embrassant le vent pour incarner la grâce. Je m'emportais, mes pas étaient sincères, mes mouvements plus joyeux. Je me mouvais dans une simplicité élégante. Hélas, le dieu d'or ne bougea pas d'un cil, ses yeux toujours clos et les sourcils froncés. Je continuais de danser, et contente, je regardais les yeux figés avec un air de défi, amusée. Rien. Je me retournais, prête à repartir. Je ruminais ma rage, j'aurais voulu quelque chose, une réaction, un truc. Je fis face à la déité de métal, prête à en découdre. Au lieu de partir, je restais. Je devenais le faune, désespéré dans sa séduction. Le rythme ne suivait pas, je m'emballais, mon visage se crispait. Sur la fin, je repris le dessus sur mes émotions, je m'en tirais avec des gestes contrôlés mais fermes, cherchant toujours à séduire cet ennemi divin et ridiculement insignifiant. Je n'en pouvais plus, le souffle me manquait, je transpirais. Je tirais ma révérence tel le serpent se livre à son charmeur, avec une mine déçue. J'espérais encore un peu de reconnaissance. Je tombais de dépit, un genou à terre.

Si je ne pouvais pas le réveiller, ce serait pire que l'échec d'une mission. Ce serait pire que  de me rendre. Ce serait une impasse, une fin irréversible de ma servitude, peut-être ma mort. Une nouvelle fois, je repris. J'avais la sensation qu'une musique venait de mon corps, de mon estomac, et qu'elle vibrait. Lente, douce, j'exécutais des pas sur ce rythme, plus lascive qu'avant. Les ondulations étaient plus larges mais plus sensuelles. Mes pieds glissaient sur le sol en pointes suggestives avant de souligner le pli de mes jambes. Ce nouvel essai fut concluant. Pendant que je m'étirais sur les harmonies séduisantes, le visage divin se détendait. Son faciès de colère prenait une apparence plus neutre. Cela m'encouragea, je me perfectionnais au fur et à mesure, je donnais de ma personne. Les voiles ne virevoltaient pas furieusement, ils tombaient et se soulevaient lentement contrairement à la première fois. Ils caressaient ma peau. Au tintement des clochettes, mes hanches s'activaient, mes bras les encadraient. Je n'étais ni Pan, ni une rose agressive. J'étais moi. Pose finale, je gainais mon corps sur un bras, la jambe repliée, la tête nonchalante, la main pointant vers le ciel. Je poussais mollement sur mon appui et finit allongée, un bras pour oreiller, la main opposée caressant mes cheveux, un sourire satisfait sur les lèvres. Je ne me souciais plus de cette maudite statue qui ne voulait pas me remercier.

Je m'étais assoupie un moment, ma tête reposant sur mon bras, à cours de solution. Je pensais que le dieu voulait toujours dormir, qu'il me faudrait peut être plusieurs jours. Quand je m'éveillai, le temple terne était devenu bien plus coloré avec des mosaïques vivantes et des décorations d'or. J'étais sur le trône, il n'y avait plus de dieu, ni personne sauf moi. Aux pieds du siège se trouvaient une couronne, différente de celle que portait le dieu silencieux. Elle était plus basse, bien que plus précieuse, faite d'or rose mêlé de pierres et de perles, imitant des fleurs et leurs boutons. Je baillais et m'étirais, lasse de ces aventures et d'avoir tant dansé. Je constatais que mes vêtements étaient différents. Ce n'était plus les voiles légers, mais bien un caftan d'or aux broderies encore plus dorées, qui s'ouvraient par la taille sur une mousseline du même ton à laquelle était cousue une jetée de fleurs blanches. Je regardais autour de moi, quand même abasourdie. Je sentais une présence, mais toujours rien. J'hésitais, je ne savais pas quoi faire. Essayant d'être logique, je m'assis puis me pliai pour ramasser la couronne et la poser sur le flot brun de mes cheveux, appréciant le cadeau, avant de la retirer, car elle était lourde. Je descendis les marches du trône, repartant sur mes pas. Je pouvais regarder n'importe quel coin, il était superbe et illuminé par de beaux lustres de cristal. Toujours aucune trace du dieu. Je pensais naïvement que je prenais le bon chemin, constatant les changements conséquents. J'étais arrivée dans un grand hall complètement au hasard, avec au centre un phénix de pierre enroulé sur un sabre magnifique. Je voulus voir de plus près, et vu l'enroulement du volatile, je devinais qu'il faisait facilement trois mètres au moins. L'épée au milieu, je m'en contrefichais. Ah oui complètement. Je virevoltais pour quitter de suite ce piège mortel. Et vous savez quoi ? La porte. Avait. Disparu. Les yeux levés au ciel, mes lèvres articulaient un pourquoi dubitatif.

Déglutissant, je regardais partout rapidement, cherchant un indice, un truc, un signe céleste... Je prenais de grandes inspirations. Je me rendais à l'évidence lorsque le phénix se réveilla. Un putain de piaf géant se dressa paresseusement. Il avait finit de digérer sa précédente proie, ou bien je ne sais quoi, peut-être. Il n'avait pas mangé depuis un siècle, parce que entre nous, qui est assez stupide pour s'aventurer ici ? Moi, je ne compte pas. L'animal déploya ses ailes sans but apparent, laissant l'épée sans défense. Un autre piège ? Il m'avait sûrement vue. J'étais loin de la seule arme à des environs. Deux neurones en moi se connectèrent, grâce à cela je pus concocter un plan imparable : attendre et espérer que cela passe. Je déglutis encore, mais cela passait moins car ma gorge était encore plus serrée. Avec ces habits, je n'aurais que peu de liberté pour me défendre. Mes chances étaient nulles... sauf si... L'oiseau de feu interrompit mes réflexions en sifflant vers moi. Ses yeux inexpressifs dardaient ma direction. Il était rapide, toutefois il s'arrêta à quelques mètres, évaluant son repas de l'heure. Précautionneusement, je posais la couronne au sol, et avec encore plus de lenteur je me déshabillais. L'essentielle de la robe chut au sol, il ne me restait plus qu'un déshabillé doré.

L'animal se rapprocha, dressant une bonne partie de sa hauteur, arborant avec méfiance sa huppe enflammée. Là, sans que je m'y attende, il ouvrit la gueule et plongea sur moi. In extremis, je me jetai sur le côté. Il essaya encore d'attaquer, je me mis vite à couvert, propulsée par le vent de ses ailes, de son côté il avait prit trop d'élan et s'était prit un pilier. Je le laissai assommé là, en profitant pour récupérer la lame plantée au centre de la pièce, un beau sabre courbé, avec une garde de cuir et de soie noire. Une chaleur dévorante m'envahit tandis que le gardien de l'épée reprenait son poste. Il était plus habile que je ne l'imaginais, très intelligent ; il avait vite enregistré ma façon d'attaquer et défaisait mes offensives. Je n'abusais pas de ma chance, restant constamment sur ma garde. Il était plus rapide que moi, je tranchais l'air sans l'atteindre. Animée par mon instinct de survie plus que par mon courage, je me défendais tant bien que mal. Tout failli s'arrêter lorsqu'il érafla ma jambe, ses serres entaillant ma cuisse de part et d'autre. Je me devais d'agir immédiatement, ainsi, dans un ultime geste salvateur, je saisis le pommeau du sabre à deux mains et mis toutes mes forces à décapiter la bête dont le corps tomba inerte. Sa tête eut un soubresaut pendant que sa langue retomba. Je tint ma jambe, mon déshabillé était inondé de sang. Quand je voulus marcher, mon poids me fit tomber. Brusque retour à la réalité, j'étais subjuguée par les émotions autant que la douleur. Je voulais hurler, pleurer et m'enfuir à la fois. Trop d'un coup, j'eus un gros vertige, mes jambes devenaient du coton. Sur le point de choir à nouveau, je sentis qu'on m'empêchait de tomber ; deux bras d'or me retinrent par derrière et me relevèrent aussitôt. Je reconnus le dieu d'or quand il me tourna vers lui. Il ne portait plus sa toge, mais un eau peplos bleu nuit brodé du métal précieux. Sans sa colère, il était beau. Ses grands yeux noirs adoucissaient une mâchoire large et des pommettes saillantes, ses longs cheveux de jais aux reflets de lapis-lazuli était rejoint en une tresse très simple et coiffé de son immense couronne. Je me ressaisis, ne le quittant pas des yeux.

« Merci de m'avoir réveillé, Schemselnihar, dit-il d'une voix profonde, presque résonnante. Pour te montrer ma gratitude, je t'offrirais les plus grands pouvoirs. »

Il me relâcha, je pris aussitôt mes distances, manquant encore de tomber.

« Le phénix, c'était quoi au juste ?
- Un gardien fatigué, qui jadis protégeait mes reliques. Son pouvoir a du s'endormir avec le temps. »


Je me massais les tempes du bout des doigts. Traduction de ce qu'il venait de dire : en temps normal, le piaf m'aurait tuée.

« Je sais que tu n'as pas achevé ton baptême, tu es pourtant venue jusqu'à moi en suivant mon guide. Tu m'as prouvé plus que je ne l'espérais, pour cette raison je ne te demanderai qu'une chose : que tu sois à mon service. »

Je secouais la tête pour refuser et en même temps remettre de l'ordre dans mes pensées.

« Je t'ai réveillé, même toi tu n'aurais pas pu le faire seul ! répliquai-je sèchement.
- Prends garde, mortelle ! Je me suis réveillé pour te rencontrer, le reste ne me concerne pas. Ta danse et tes arts m'ont, certes, ravi, mais je peux m'en passer. Tu n'as pas à t'engager dans l'immédiat. Réfléchis. J'aurais pu me réveiller seul. »

Il disparut dans une poussière scintillante, les sourcils froncés. Une douleur aiguë partit de ma cuisse, se propageant dans toute la jambe et me faisant cette fois-ci tomber pour de bon. Je fis un bandage assez grossier. Mes mains tremblaient, je transpirais. La douleur était trop prenante, je ne la supportais pas. Je ne savais plus penser à autre chose que ça. Une servante nue à la peau bleutée, uniquement couverte d'une bande de lin à sa taille pour couvrir son intimité, arriva avec un bol d'eau et tout un nécessaire pour panser la blessure que j'avais. Elle avait en premier temps appliqué une pommade, ce qui me soulagea presque instantanément. Je la questionnais, néanmoins elle ne répondait pas. Elle agissait de façon mécanique. Quand elle eût finit, deux comme elle arrivèrent, suivies d'une chaise soutenue par deux porteurs dans laquelle je fus installée. J'avais beau parler et interroger, j'étais ignorée dans tout les cas. Je fus baignée, soignée, attablée, et pourtant aucun d'eux ne s'aventura à me parler. Je les maudissais, avec leurs yeux vitreux ! Finalement, je m'allongeais dans le lit le plus beau et confortable jamais conçu, décidée à partir le lendemain, lorsque le dieu apparut à côté de moi. Je poussais un cri de stupeur, chutant du lit en voulant me relever. Il fit comme si de rien n'était tandis que je ramenais la couverture sur moi, encore au sol.

« Tu devrais te recoucher, conseilla-t-il de sa voir surréelle. »

Confite, je l'observais en m'appuyant sur le lit pour me relever. Il était serein et ne fit pas un geste pour m'aider un peu, tandis que je m'asseyais avec difficulté.

« Hey, je sais pas comment ça se passe chez toi, mais chez moi, on ne s'incruste pas dans le lit de quelqu'un sans s'annoncer !
- Tu te trouves dans mon lit,
 sourit-il.  Voyons, ne reste pas comme ça. Je sais que ta blessure te fait encore mal. Tes serviteurs t'ont plus ? Je fais venir un médecin.
- Non j'en veux pas, je me ferais soigner plus tard !
- Allé, elle te guérira, elle fait du bon travail.
- J'ai dit que je me ferais soigner plus tard !
articulai-je. Pourquoi tu n'utilises pas tes dons ou je ne sais quoi ?
- Tu n'en as pas envie, tu préfères souffrir plutôt que je te touche. »


Mouchée, je m'assis au bord du lit.

« Qui es-tu vraiment ? finis-je par demander.
- Mon vrai nom est Tarazed, le Fléau né des Etoiles. Je suis le dieu des passions, de la guerre, de la souffrance, des douleurs, de la violence et du désir. Je me suis jadis condamné au sommeil méditatif après avoir tué ma femme, Istaara dans une guerre ; nous n'avions pas le même parti.
- Ce n'était pas une déesse ?
- Si, mais je l'ai tuée. L'épée que tu as utilisée pour vaincre mon gardien est la mienne. Elle peut venir à bout de tout, y compris des dieux et des esprits.
- Je suis désolée, je n'étais pas au courant...
- Ne le sois pas. Je pourrais la faire revivre quand j'aurais ce qu'il faut. Réalise mon souhait, sois-moi fidèle. Tu es l'héritière d'un puissant enchanteur et d'un sorcière émérite, dont la colère m'est parvenue par ses prières. Tu as un potentiel insoupçonné. Tu fidéliseras des peuples et leurs cœurs.

- Je croyais que ce pèlerinage me débarrasserait de mes obligations, répondis-je, énervée. Je ne pensais pas à un engagement si important. Tant pis, je vais me battre contre mon père, je gagnerai si je le peux. Je préfère ça plutôt que d'être sous vos ordres ou les siens.
- Tu refuses l'alliance d'un dieu ?
siffla-t-il. »

Il fit apparaître son épée, un sourire narquois sur la face. Il était de plus en plus expressif contrairement à ce que j'avais vu au début. Il semblait prendre du plaisir dans ce rapport de force. La médecin arriva, elle s'occupa aussitôt de ma cuisse. Il abaissa l'arme dès qu'elle fut entrée. Je rejetais la soigneuse, à qui cela ne fit ni chaud ni froid. Elle ramassa les bandages que j'avais balancés d'un revers. Le dieu lui fit signe d'attendre. Quand ce fut fait, il posa un genou devant moi, accoudé d'un bras sur sa jambe et de l'autre il tendait sa main sur ma plaie violacée et jaune, relevant sans pudeur la couverture qui m'habillait. Des larmes coulaient sur mes joues, mais pas plus vite que j'élaborais des plans d'attaque. Je retirais sa main fermement.

« Je ne te forcerais à rien, dit Tarazed. J'ai mis Aour sur ton chemin, ne l'oublie pas. J'ai désiré te rencontrer.
- En quel honneur ? sifflai-je ironiquement.
- Tu es la fille de Walefzar, dont la puissance ne se discute pas à cause de ses origines, tu as été forgée pour devenir une sorcière d'exception grâce à ta mère. Les deux me servent et respectent mes lois. Tu y es presque, le dernier sacrifice à me faire est le déchirement de ton hymen.
- Il faut que je finisse mon baptême avec toi ! ?
- Pour qui me prends-tu ?
rit-il en replaçant sa main. Je couche pas avec les mortelles. »

Une seconde fois, j'écartai sa main.

« Je rentre maintenant.
- Rentrer où ? Dans ce royaume pathétique qui n'est pas à toi ? Que ce soit bien clair, humaine, je ne te veux pas pour femme. Je ne te priverai pas d'aimer ni même de prier d'autres dieux. Je ne te demande que ta loyauté et ta fidélité. Tu viendras me servir quand je t'appellerai. Tiens, essayons ça ; cligne des yeux une fois, tu seras là où tu veux vraiment être. »


J'eus un rictus en me retenant de fermer mes paupières. Je ne pensais plus à Esfandyar, ma famille ou mon statut. Je fus purement égoïste. Le réflexe fut plus fort et je clignai des yeux. Je sentis mon corps se volatiliser dans un vertige. En ouvrant les yeux, j'étais assise sur le trône où j'avais trouvé Tarazed sous forme de statue dorée. Fortement surprise d'être à cet endroit, mes pensées divaguèrent. Je pensais que c'était une ruse du dieu qui voulait me perturber dans mes véritables envies. Sauf que la question se posa : et si, au fond de moi, je voulais réellement accéder au pouvoir ? J'aurais des armées, un dieu à mes côtés, les pouvoirs promis. N'était-ce pas non plus une boulimie de puissance qui me retomberait dessus ? D'autant plus que je m'entendais encore dire ce que je devais faire, alors que c'est ce ce que j'avais repoussé venant de Walefzar. Soudainement, Tarazed apparut en face de moi, la couronne d'or rose sous le bras gauche et son épée dans la main droite.

« Ton cœur a fait son choix, tu seras désormais ma représentante terrestre. Ton âme et mon âme...
- Attends, je n'ai rien accepté !
l'interrompis-je.
- Tu le veux au fond de toi. Tu auras encore plus de puissance, tu verras que je traite bien ceux qui me servent. »

J'allais protester, je n'en eus pas le temps. Il souffla des mots d'une langue antique qui eut des effets immédiats. Je sentais un poids énorme sur ma poitrine qui m'oppressait, me clouant dès que j'entrouvrais les lèvres. J'étais défaite, tétanisée par son maléfice.

« Héritière du duché d'Embréis, moi, Tarazed, je t'ai choisie pour être l'incarnation des Passions. Toi qui as reçu mes enseignements, toi que tes pairs redouteront pour ta lame destructrice et ton caractère inflexible, toi la sorcière qui a su séduire un dieu, par ces mots tu deviens mon ambassadrice, et je t'apporte en échange, pour toujours et à travers les âges, ma protection. Je te baptise, par mon droit divin, Schemselnihar ! Que ceux qui me reconnaissent, te reconnaissent ! Tu seras pour eux Shemselnihar, la Vierge de la Nuit, et t'agréer sera m'agréer. Que ma volonté s'accomplisse ! »


Il avança vers moi solennellement, me couronnant, puis m'empala avec l'épée. Je fus inquiète, déjà que je ne savais pas où il voulait en venir ! Toutefois, quand son épée me transperça, je ne sentis aucune douleur. C'était comme si elle coulait en moi, se diffusant dans une chaleur fourmillante dans chacun de mes membres. J'étais abasourdie par ce qui venait de m'arriver, je me sentais plus forte mais également plus faible. Il m'aida à me relever et à faire quelques pas. Je m'inspectais, tâtant de ma main libre mon visage, mes épaules, mon cou... là où ma cuisse devenait nécrosée il n'y avait même plus une cicatrice ! Je ris instinctivement de bonheur, appréciant avec ravissement ce changement. Sauf que je revins à la réalité. Le décor superbe du temple, la beauté de ce dieu d'or, la force de l'épée, tout cela m'étourdissait. Je repensais à la façon dont il m'avait octroyé ce don.

« Je t'en veux Tarazed, tu n'avais pas à faire cela sans mon accord.
- Un mal nécessaire, mon amie.
- Walefzar et toi, vous êtes pareils. Ce qu'on ne vous donne pas, vous le prenez, quand à ce que vous donnez... »


Je soufflais profondément, retenant mes larmes. On eût un dernier échange que j'oubliais presque aussitôt avant que je ne parte, j'avais uniquement le sentiment de lui avoir fait une promesse et il m'en avait faite une en échange. À ma sortie du temple, l'expédition aux couleurs d'Embréis se tenait postée, surveillant les allées et venues. Tout un campement était dressé, des gardes patrouillaient ça et là. Quitter le décor luxueux de la divinité et atterrir dans une ville occupée ainsi, même fantôme, cela surprenait un peu. Avec tous les événements qui s'étaient déroulés je ne relevais que difficilement. Un homme signala ma présence, suite à cela d'autres se mirent en formation défensive. Drapée sous une cape scintillante et couverte d'un voile blanc transparent, j'étais dans l'immédiat lasse et pensive. Seul Aour, qui avait revêtu la tenue de soldat, courut vers moi, tout heureux de me revoir. Il se prosterna quand il fut non loin de moi. La Haute Prêtresse arriva à son tour, suivie de mon père. Comme Aour, elle se prosterna. Moi, gênée, j'attendais immobile. Voyant que même la Haute Prêtresse se soumettait, les plus superstitieux l'imitèrent, suivis de près par le reste. Seul mon géniteur restait droit, ébahi par tout ce qui se passait.

« Dana, ma gargouille,
commença-t-il, le souffle coupé.
- Dites leur de se relever, murmurai-je. Ces courbettes me mettent mal à l'aise. Ces gens me mettent mal à l'aise. Qu'ils se dispersent.
- Relevez-vous ! Que chacun retourne à son poste !
exigea-t-il, avant de revenir vers moi accompagné d'Aour et la prêtresse. Tu te sens bien ? Pourquoi tu te caches ? Dana, que s'est-il passé ?
- Rien ne va !
m'énervais-je d'une voix fatiguée. Vous auriez du me laisser partir ! J'avais le droit de renoncer à tout ça ! J'ai envie de vous tuer, de tous vous exterminer !
- Ne te fâche pas Schemselnihar,
entreprit Aour. Tarazed t'aime énormément. Il t'a donné de précieux dons.
- Toi si tu parles encore, je te tue en premier ! »


Le gars qui me demandait de ne pas m'énerver c'était quand même le rouage déterminant dans cette mascarade. Il avait obéit au caprice de son merdeux de maître, il m'avait trahie en prétendant m'aider, il m'avait demandé ma confiance ! Non en fait, même si il se taisait, je voulais encore le tuer. Je subtilisais rapidement l'arme de mon père pour attaquer le jeune prêtre, aussitôt arrêtée par une formule de la Haute Prêtresse. Son sort m'engourdit légèrement et on put me désarmer. La demoiselle me cajola, mais si j'avais pu je l'aurais tuée.

« Mon Seigneur, dit-elle à l'adresse de mon père. Elle est encore sous le choc. On devrait la laisser se reposer et faire nos offrandes à Tarazed pour le remercier de nous avoir rendue Schemselnihar.
- Dis moi l'illuminée,
intervins-je au cas où je pouvais déverser encore un peu de ma colère. Tarazed m'a bien fait chier. Il a dit très clairement qu'il fallait faire tout ce que je demande. Alors moi je dis, on lui donne la tête de Walefzar, la tienne et celle d'Aour.
- Elle est en plein délire,
dit la jeune femme en m'ignorant. Elle est fébrile. Je vais lui servir du népenthès pour calmer son ardeur. »

J'avais un rang plus élevé, pourtant on ne me respectais toujours pas. D'une part, je ne savais pas encore me servir de tout le pouvoir merveilleux que le dieu m'avait offert, d'autre part, elle avait raison. Tuer par simple vengeance ne me ressemblait pas. Je les laissais faire leur fête et tout leur toutim, de toutes façons mon avis n'importait pas. Seul Aour resta près de moi. On était en retrait dans l'une des tentes du campements, il faisait ses prières à mes côtés et étudiait. Lorsque j'entrevis le nom de Tarazed sur un de ses parchemin, je le lui pris et en fis une lecture silencieuse. Lui, resta calme, attendant que je termine. Quand j'eus finit, je retirais enfin mon voile, dos à lui.

« Ton dieu est un menteur, tu devrais en suivre un autre, commentais-je à mi-mots.
- Je comprends que ses actions te dépassent, mais je t'assure qu'il ne te veut que du bien.
- Les dieux se sont toujours joués de ceux qui les vénèrent.
- Tu es son élue, tu peux t'énerver contre lui. Cela te fera du bien d'extérioriser ta colère.
- Tu crois quoi ? Que je suis colérique de nature ?
demandais-je d'un ton las. Il a été désobligeant. Il est dangereux et psychopathe. J'ai du me battre contre un phénix sans qu'il ne m'aide, il m'a paralysée pour que j'accepte son don... que je n'utiliserai pas. Il est fou ton dieu. Il a dit qu'il ne voulait pas te partager avec moi au début, mais que si je le servais cela rendait la chose acceptable. Il dit qu'il nous protège mais il ne parle pas de la contrepartie. T'es con de le servir.
- Les dieux ont aussi leurs sentiments. Il m'a toujours manifesté beaucoup d'affection, c'est vrai qu'il n'aimait pas que je sorte du temple mais il m'y autorisait. Il ne voulait pas que je sois souillé par les autres.
- Tu es perdu dans ta dévotion, tu ne vois même pas que ça va te détruire !
- Je sens que quelque chose te pèse, n'hésite pas à me le dire, je suis là pour toi par amour de  Tarazed, mais aussi parce qu'il t'aime, alors je ne peux que chérir l'objet de son amour. Je suis sincère quand je dis que je prendrais soin de toi. »


Je soupirais, me tournant face à lui. Je lui fis signe de m'aider à me dévêtir, la tenue m'incommodait car trop serrée.

« Tu es insensé, Aour. Complètement aveuglé. »


Il me déshabilla, appuyant parfois ses mains sur ma nuque ou mes épaules comme si il voulait vérifier que je n'étais pas blessée. Je ne pouvais pas le prouver, mais j'étais sûre qu'Aour avait aussi un don. Un truc comme le charme et la persuasion. Chaque fois qu'il me touchait, je me sentais différente, plus encline à l'écouter. Il me prépara une tunique et des braies plus légères et confortables, moins ornementale que la tenue scintillante offerte par le dieu.

« Parle, m'imposa-t-il avec tendresse. »

Il entreprit de oindre mon corps d'huile avant de le masser. Je ne sais comment je m'étais retrouvée allongée sur le ventre dans un lit de camps. Je n'arrivais plus à penser, j'avais l'impression qu'il brouillait mes réflexions. Ou que j'étais choquée de l'entrevue avec le dieu ; j'arrivais petit à petit à me souvenir d'une dispute assez houleuse avant mon départ du temple. Dans ma mémoire, je lui disais de reprendre ses pouvoirs tandis qu'il énumérait des obligations de dernière minute. J'eus un soubresaut qu'Aour ressentit, il insista avec quelques pressions et je me laissais à nouveau faire. Il avait un putain de don, c'était obligé.

« Tarazed veut du sang, il a besoin de guerres pour se remettre en forme, expliquai-je. Mais c'est un dieu, il a pas le droit de créer des conflits directement. C'est pour ça qu'il va faire venir une Vierge de la Nuit.
- Il t'a dit de qui il s'agissait ?
questionna-t-il.
- Et à toi, il ne te l'a pas dit ? répartis-je.
- C'est inquiétant, mais il faut garder la foi, Schemselnihar. Il doit avoir des plans plus grands que nous ignorons.
- Il m'a aussi dit de ne pas me montrer à n'importe qui, de garder ce voile. Et je ne veux pas vivre cacher.
- Tu es très belle, il ne veut pas que l'amour te détourne, et ce voile te protégera des sortilèges.
- Tes arguments me fatiguent. Je compte bien aimer, aimer très fort et inconditionnellement. Je plairais énormément et de nombreuses personnes me détournerons peut être. C'est normal. C'est quoi, une Vierge de la Nuit ?
- Une ambassadrice sacrée avec un pouvoir si grand qu'on ignore ses limites. On l'appelle ainsi car elle annonce un avenir incertain et des jours très sombres, des guerres sanglantes. Même les oracles ne pourront pas tout prédire. »


Attirer l'attention des divinités ne pouvaient être que néfaste aux mortels. Tarazed ne voulait pas que d'autre me regarde ? Qu'à cela ne tienne. Tous les dieux n'aiment pas partager leurs fidèles. Mais il ne voulait pas non plus qu'on lui dise non ou faire des compromis. Il m'avait imposé Aour, si je m'en défaisais que m'arriverait-il ? J'étais lancée dans un jeu dont j'ignorais les règles.



Dernière édition par Dana Yelmaz le Mer 11 Aoû - 15:57, édité 3 fois
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Dana Yelmaz
Jeu 2 Avr - 12:39
Troisième partie


A mon destin, désormais mon délice,
J'obéirai comme un prédestiné;
Martyr docile, innocent condamné,
Dont la ferveur attise le supplice

Quelques mois passèrent après mon baptême, je revins à la capitale d'Esfandyar. Mon père avait décidé de rester parmi les hommes quelques temps. Bien que mon baptême fut validé par le dieu, il avait mis ses menaces à exécution et revendiqua sa paternité, me nommant corégente de son duché. Il avait eu ma bénédiction d'abord, et pour l'obtenir il dut me promettre que ma mère serait épargnée. Pour la protéger du châtiment sociétal, il finit par la convaincre de l'épouser dans ce monde. Après tout, Walefzar était plus influent que mon père de fortune, personne ne remettrait en question ce remariage. Elle y perdit quand même des plumes, malgré le fait qu'elle comprenait que m'étais vue contrainte d'accepter. Je craignais qu'une guerre ne finisse par nous opposer un jour lui et moi et qu'elle soit dévastatrice, il me fallait une caution. Ma mère avait accepté les conditions bien qu'elle ne s'en remit pas. Elle m'en voulait de ne pas utiliser les pouvoirs de Tarazed en notre faveur, mais je ne pouvais me résoudre à user de cette puissance. J'avais du mal avec des sorts plutôt simples, il valait mieux éviter. Aour et Walefzar me le reprochaient aussi. À force de ne pas l'utiliser, le pouvoir me rongeait, ma santé périclitait progressivement.

Ces problèmes ne m'empêchaient pas de profiter de la vie ; j'étais devenue très sociable, j'avais appris à m'ouvrir aux gens et à apprécier leur compagnie. J'avais beaucoup de mal avec les hommes en revanche, la gente masculine ne m'ayant pas été très favorable dans mon adolescence, entre le bizutage de ma formation ou encore mon père et l'esclave qui m'avait trahie. Je dus me faire violence pour essayer d'en connaître quelques uns, dont Shahin, un camarade hachilote. Petit à petit, je laissais le passé au passé, croyant que c'était la vie d'une autre. Je me faisais des amis, je chassais seule ou en groupe, j'étais appréciée de tous en société notamment grâce au réseau de Walefzar. Aour me reprochait ma nonchalance, d'oublier trop souvent de me couvrir en publique, quand bien même je n'étais ni fardée et apprêtée. Il n'aimait pas aussi que je manque à mes entraînements de danse ou de magie. Je me moquais de lui, il ressemblait à un vieux précepteur qui se fatiguait de son jeune maître. Mais par le ciel, il était de plus en plus sublime. Le cocon de l'adolescence l'avait laissé muer en un homme beau en tout point de vue, avec une ribambelle d'admiratrices idolâtrant sa délicatesse et son goût pour la littérature. Malheureusement, il ne voyait que Shahin, avec qui je finis par me fiancer. Il percevait le mal dans tout ce qu'il disait ou faisait, redoutant toujours que Tarazed ne s'en prenne à nous de façon impromptue. Je me souvenais bien qu'il ne m'avait pas interdit de me marier, je ne voyais pas pourquoi Aour angoissait tant. Le beau prêtre était juste un peu jaloux tout au plus... Effectivement, depuis que j'étais en couple il avait été éloigné de moi. Il ne devait plus m'habiller ou dormir dans la même chambre que moi, non plus s'occuper de mes bains, je l'avais depuis longtemps remplacé par des esclaves.

Il déchanta complètement quand je repris mon activité de mercenaire anonyme. Après tout, personne ne connaissait mon visage, on ne pouvait pas savoir qui j'étais à moins que je ne me fasse prendre. Pour lui faire plaisir et le calmer un peu, je fus plus régulière à ses cours de magie. Je devais reconnaître que j'étais en meilleure forme quand je ne retenais pas le pouvoir de l'épée en moi. Je n'oubliais pas la proximité du prêtre avec le dieu, ce qui me laissait méfiante à son sujet. J'étais contente de le tenir à distance, bien qu'il me mit en garde : Tarazed n'approuvait pas l'homme que je voulais épouser. Mon père refusa de me donner sa bénédiction, et ma mère était obligée de le suivre. Je comptais épouser Shahin secrètement, tant pis pour ceux que cela dérangeaient ! Entre autre événement, j'appris que j'allais être grande sœur d'un bâtard. Ma chère mère en fut vexée, bien qu'elle savait ce qu'elle avait fait pour endurer cette humiliation de plus. Je l'accompagnai dans son chagrin et lui apportai tout le réconfort possible.

La principale préoccupation de tous n'étaient pas les soucis du quotidiens. Des crieurs annonçaient dans les rues qu'une guerre serait proche, les réunions de la haute société ne parlaient que de ça. Je tenais d'un certain marquis, pour qui je combattais, que le Cimetière Pourpre, grand comme une ville, était mis en jeu. Son caractère saint, mais surtout les reliques qui y étaient supposément cachées, opposaient le royaume d'Esfandyar et les royaumes de Theerakl et Zäfreen. Le Cimetière Pourpre  ne contenait pas de corps, contrairement à un cimetière classique. En réalité, il ne s'agissait que de pierres tombales en granit rouge plantée dans une terre ocre, envahit par des fleurs à la tige rouge et aux pétales écarlates, le tout étant d'une splendide beauté. Sur les pierres, il y était gravé des prières et des formules que de nombreux historiens, archéologues et prêtres tentaient de déchiffrer. On disait que celui qui parviendrait à comprendre les textes gravés se verrait toutes les victoires accordées. La légende raconte que furent scellées les âmes des danseuses sacrées de Tarazed. C'était un grand lieu de pèlerinage, d'autant plus qu'il était considéré comme une divinité de la guerre et de l'amour à Esfandyar. Le marquis m'expliqua que les jeunes hommes étaient recrutés à tour de bras, quand à ceux qui avaient déjà effectué le service militaire, ils seraient prochainement convoqués. L'information n'était pas encore officielle, il me demanda de tenir ma langue. Je me désintéressai des ragots, néanmoins, il m'avait engagée dans ses troupes pour contenir celles de Theerakl. De fait, on sentait que l'animosité était plus forte.

Sentant que je n'allais pas tarder à être appelée, j'essayais d'en discuter avec Aour. On était dans le milieu de la journée quand je me rendis près de lui, dans les jardins du temple du dieu des passions. Il faisait son devoir en entretenant le potager pour les pensionnaires, prêtres aussi bien que pèlerins.

« Je crois que t'avais raison, il doit pas aimer que je fréquente Shahin.
- Je t'avais prévenue,
répondit-il moqueusement en ajustant mon voile de visage.
- Tu peux pas lui dire que c'est bon ? Une guerre, c'est brutal comme remontrance. Je ne me marie pas si c'est ce qu'il veut.
- Tu es drôle,
rit-il doucement. Ne crois pas que tout tourne autour de toi. Cette guerre est pour déterminer qui pourra bénéficier des faveurs de Tarazed. C'est ton prince, Bardiya de Kayanian, qui en a eu l'idée. Il a des rêves de grandeurs, il ira loin.
- Mais de quoi tu parles,
m'énervai-je. On ne peut rien faire pour éviter tout ça ?
- Non, c'est une volonté indépendante de notre bien aimé Tazared. Bardiya est le troisième héritier, si il assure cette victoire, il pourra gagner les faveurs du roi son père.
- Il y a bien quelque chose à faire...

- Tu devras te rendre auprès de Bardiya et gagner, continua-t-il d'une voix apaisante. En voyant ta puissance, tes adversaires prendront peur et la guerre sera plus courte. Nous savons que tu ne veux pas intervenir, mais tu dois le faire. Plus la guerre durera, plus il y aura des pertes.
- C'est pas mon problème. Le prince se débrouillera sans moi.
- Seule la Vierge à l’Épée pourra arrêter cette guerre. Le vainqueur sera celui qui sera dans son camps. Les augures ont déjà annoncé ta venue, cela déterminera la victoire, les soldats veulent se battre plus que tout, rien que pour t'apercevoir les tuer ou les glorifier. Tout est déjà planifié, Dana. »


Le silence. Ce drôle de silence qui fige l'air et la lumière, qui semble suspendre le temps. Dans ces quelques secondes d'éternité, je disséquais mes souvenir, de mon enfance jusqu'à maintenant. J'étais sur le point de devenir une jeune femme accomplie, moi qui avait voulu combattre pour ma patrie je m'étais remise vers des chemins plus calmes. On m'appréciait, on recherchait ma présence. J'avais l'impression d'avoir croqué dans une amande particulièrement amère et âpre, semblable à tout ces ressentiments que je contenais. Je pris une grande inspiration avant de m'en aller. Le raisonnement de mon cœur me faisait mal, j'étais étourdie de la cruauté des choix qui m'étaient proposés. Pour aller mieux, cette après-midi, je m'autorisais à extérioriser ma rage. La couronne de la statue principale du temple fut réduite en poussière.

Une fois, Walefzar m'avait avertie que les nephilims n'étaient pas seulement vindicatifs, ils étaient surtout défiants. Et très, très puissants. Il vint me voir par la voie des airs sous sa véritable forme ; si on partageait les mêmes traits, il était bien différent de moi. Presque deux mètres cinquante de hauteur, des ailes de large envergue et d'un noir abyssal, une peau rouge sombre et des yeux d'un vert plus que précieux. Étonnamment, il n'était pas venu me parler de mon dernier méfait. Juste venu m'engager dans son bataillon, aux côtés de Shahin. La guerre commencerait plus tôt que prévu, nous n'avions que quelques jours pour nous préparer. Complètement détachée du sujet, je rêvais d'avoir l'air aussi... magnifique lui. Sérieusement, lui, on le regarde, on se dit « ah oui quand même », tandis que moi... je suis pas mal fichue, mais c'est pas pareil. Bref, j'acceptais de suivre le paternel sans trop discuter, restant réticente, surtout quand il me balança :

« Tu attires les têtes couronnées, le prince Bardiya s'intéresse à toi et son frère cadet m'a demandé d'organiser une rencontre. »

Cette phrase là, elle puait le signe céleste comme pas possible. J'attirais surtout les ennuis, il fallait le dire !

Des entraînements intensifs furent organisés. L'armée d'Esfandyar n'était pas la mieux armée, elle avait d'autres atouts. Elle brillait par son organisation et sa discipline. Une attaque de dernière minute ? On était déjà au taquet. L'effervescence nerveuse d'avant les combats m'avait manquée. J'étais excitée, carrément motivée. Walefzar voulait faire de moi une dame de la cour au début, il se rendait compte qu'il avait fait fausse route. De tout ses larbins, j'étais la plus efficace. Méthodique, rigoureuse, implacable, complètement obsédée par le fait de réussir. Le grand jour, j'étais à l'apothéose de ma détermination ; l'odeur du métal, l'inspection du matériel, les derniers préparatifs... Mes compagnons d'armes étaient dépassés par ma rigueur, Shahin le premier. J'étais concentrée, les historiettes à l'eau de rose n'avaient pas leur place dans mon esprit. Au moment d'enfiler mon armure, je me conjuguais avec la guerrière que j'avais enfouie en moi. J'aimais me battre, me dépasser, c'était mon domaine, et tous autour de moi, mes alliés comme mes adversaires, pouvaient en pâtir.

J'étais prête à bondir sauf que... le premier assaut fut lancé sans moi. Même Shahin était parti. Walefzar me retint, demandant à Aour d'intervenir. Je trépignais, toute ma discipline volait en éclat. Les soldats qui assistaient au spectacle commençaient à soupçonner un trouble grave et à douter. Je perdis tout contrôle quand on me demanda de retirer mon armure. Mon père trouvait le combat excessivement enragé, il ne voulait pas que j'y aille. Maintenant que le fer était, chaud on m'empêchait de foncer ! J'entrais dans une colère noire inexplicable, soudaine et sordide. Une autre femme se développait en moi, brutale et farouche.

« Ce n'est que le pouvoir de l'épée qui se développe,
expliqua Aour. Attends Schemselnihar, je vais la prendre. »

Et moi de hurler que je ne faisais que ça, attendre ! Puisque j'étais intenable, Walefzar du utiliser sa force pour me maintenir. Un simple homme seul n'y serait pas parvenu en cet instant. C'est le moment que choisit le prêtre pour poser sa main sur ma poitrine, jusqu'à en extraire l'épée que le dieu avait cachée en moi. Je me sentais plus faible, mais pas assez pour en rester là. Je compris que mon énergie était liée à elle.

« C'est risqué, tu ne t'es pas assez entraînée pour t'en servir,
essayait d'expliquer le prêtre. C'est moi qui irai...
- Je peux le faire !
interrompis-je. Je peux me battre ! »

Le prêtre regarda la lame d'argent et à la garde d'or, incrustée de pierreries rares. À cette époque, la lame était d'une pureté immaculée. Depuis, je l'avais noircie avec le sang de mes victimes. J'étais en compétition avec Aour, à qui Tarazed avait promis l'arme. Il la désirait plus fort que moi, en cet instant c'était pire. Aour avait beau paraître doux et calme, une lueur mauvaise s'animait dans son regard. Walefzar me relâcha à peine que j'arrachais l'arme de ses mains. Une force si grande que je ne peux la décrire me traversa. Je ressentais mon corps avec une intensité fulgurante, ce qui me procura un plaisir entêtant. Telle une valkyrie infernale, je me dirigeai vers le champs de bataille sans attendre le signal. Les soldats me suivirent instinctivement, hypnotisés et grisé. On faisait rire de loin, avançant davantage comme un troupeau de mouton et non comme des combattants formés depuis des années. De près, nous étions une vermine qui proliférait sa menace sanglante, déroutant par notre hardiesse et notre force ; j'avais brandis l’Épine des Douleurs, ce sabre que je m'étais jurée à ne jamais employer. À mes dépends, j'appris qu'il était facile de céder à son pouvoir. Mes hommes achevaient à chacun d'eux une vingtaine d'ennemis, habité par une sauvagerie digne des bourreaux de l'Enfer. Leur force était décuplée, il n'y avait aucune crainte en eux. Nous tous, nous enchaînions les coups sans les subir. C'était si facile de trancher les corps, d'étrangler et broyer les carcasses de nos pas. A chaque bouffée d'air, je sentais une folie étrange qui me rendait plus démente, un plaisir de tuer, de me battre. Rien ne nous résistait, on incarnait la destruction. Une lumière rouge émanait de mon épée, insufflant de la force à mes alliés. Ceux qui avaient été touchés n'avaient plus rien d'humain. Même moi, je sentis mon esprit se dissocier de mon corps. Jamais je n'avais eu d'envie aussi forte de saccager des vies. La vue d'un soldat, Shahin, me ramena à la réalité. Il tentait de me rejoindre quand je m'évanouis, des heures plus tard, lorsque mon énergie fut entièrement puisée par l'épée.

A mon réveil, j'étais malade. Je ne me souvenais pas de l'ensemble des événements, je ne ressentais rien. On m'informa qu'un décret palatial me plaçait comme la nouvelle fiancée du prince Bardiya. À ses dires, il m'avait sauvée en me récupérant pendant le combat, après quoi j'avais sombré dans un comas de huit jours. C'était probablement vrai, néanmoins, je me carrais le coquillard de ce que vous en pensez. J'en avais rien à faire, et ce putain de décret, je l'avais en travers de la gorge. Quand je commettais des meurtres usiniers, on m'acclamait ! Je pris mes distances avant de me prononcer, en dépit de la dot que m'octroyait le roi et les honneurs dont j'étais couverte. Encouragé par mon père, le prince chercha mon affection, mais il suffisait que je pense à Shahin pour que je le repousse sans m'en rendre compte. Shahin était beau et doux, introverti certes, mais adorable et prévenant. J'avais eu avec lui un amour fait de silence, de regards qui s'évitent et se bousculent, de mains qui se joignent, de fleurs laissées à la porte de l'être aimé, ce sentiment d'évidence qui nous suffit lorsque l'on est en présence de l'autre...

Bardiya n'était qu'un arrangement entre Walefzar et la famille royale, des mots sur du papier. C'était pourtant l'ultime honneur pour un citoyen que d'être fiancé à la famille royale. Fallait s'en réjouir, même si Bardiya ne savait pas tenir sa queue et n'était qu'un bellâtre, il était prince, avait des propriétés et était bel homme. Pour ma part, je ne le résumais qu'à un arrangement. Ce n'était pas l'heure pour une comédie romantique, celle de la pauvre fille qui se trouve coincée par dépit avec un mâle alpha beau comme un dieu et socialement élevé de surcroît. Ce que je détestais, c'est que l'état se permettait d'offrir des récompenses impossibles à refuser, et j'avais de la peine pour ce jeune inconnu qui devait penser pareil – même si c'était un connard fini. Prince ou pas, il devait avoir son mot à dire, seulement, face à ses parents, le mutisme était privilégié.

Bardiya était un homme de réputation charmante, bien éduqué et bon combattant. Il n'avait jamais eu à ses côtés que des concubines officieuses, ce qui lui valait une étiquette frivole. Ce mauvais comportement inquiétait beaucoup les dignitaires et sa famille, et même tous les sujets du pays. Il était le troisième héritier légitime et avait déjà pour lui seul une principauté à part entière, Deryabar, qu'il gérait avec ses propres gens. On craignait que son comportement inconvenant ne cause la colère des dieux et s'abattent sur lui et sa cité princière. C'est pourquoi on me promit à lui. À peine eût-il dit qu'il ne prendrait pas d'autres femmes que moi qu'il fut exaucé, pendant ce temps, j'étais inconsciente à cause du combat. Il aurait peut-être souhaité que cela lui soit refusé à cause de mon rang plus bas que le siens ; je n'avais qu'un titre décoratif, Demoiselle d'Embréis, mais ce duché appartenait au Monde Invisble, à l'Orcus. J'hériterai des terres et des fonctions de mon père, seulement ce n'était pas une considération suffisante à Esfandyar. Pour m'élever encore, Walefzar m'offrit de nouvelles propriétés, et obtint pour moi des titres par rapport à mon exploit au Cimetière Pourpre.

A cause de ces fioritures, je subis plusieurs cérémonies et rituels à la con, pourtant je ne me remettais pas de la guerre. J'étais gravement blessée physiquement et je faisais de nombreux cauchemars où je perdais à nouveau le contrôle. Pour me faire tenir, on me fit prendre différentes sortes de plantes, ni plus ni moins des drogues, et je buvais beaucoup. Je jouais un rôle de façade auprès de tout le monde ; de mon père, du roi et de la reine, d'Aour, et aussi du prince. Mon image passait avant tout, jusqu'à ce que la fatigue et le stress ne me terrassèrent. J'avais maigri, je n'étais plus bonne à grande chose, et mon insomnie était presque incurable. Pour me faire plaisir, Bardiya faisait en sorte d'exaucer tous mes désirs, même les plus absurdes. Il était prévenant et avait fini par m'aimer, néanmoins ce n'était pas un amour sincère. Il était juste content de pouvoir épouser la championne d'Esfandyar, celle qui était demandée à toutes les cours et que l'on glorifiait à l'égale d'une divinité. Je me trouvais trop forte pour accepter n'importe qui en mariage, il était heureux d'être l'exception et de le montrer en public. La reine s'affairait à nous offrir des noces splendides ; elle avait demandé aux magiciens des Terres Humides de participer aux spectacles, les dresseurs d'ours dansants seraient de la partie avec les artistes sabreuses du Désert des Lunes, les illusionnistes de brume et les maîtres artificiers.

Je n'avais pas aimé cette fête extraordinaire. Je reste très superficielle, j'ai apprécié les cadeaux de mariages, surtout les bijoux d'ivoire, les fruits en pierres précieuses et les animaux exotiques qui constituèrent ma ménagerie. Les artistes avaient été à la hauteur, je n'ai aucun mot pour les décrire. Mais quand on du prononcer nos vœux, j'avais abandonné ma vie. La cérémonie était belle, combien de fois avais-je rêver d'être à la place de la mariée. Et aujourd'hui, je me disais, ceux que j'ai vu prendre ce chemin avant moi, avaient-ils tous été heureux ? Combien sourirent le cœur triste ? Au moment de consommer le mariage, je me défilais. Après les belles musiques et les danses chargées de vins et de joie, nous nous rendîmes dans la chambre nuptiale, précédés de nos parents, notre famille proche et les gens élevés de la cour, enfin tout le personnel de maison, chacun tenant une clochette. Avant d'entrer dans la pièce, tout le monde fit tinter son instrument. Le son cristallin raisonna ainsi une bonne minute avant que nous nous retirâmes.

L'ambiance érotique était posée, à l'aide de chandelles, des pierres parfumées qui brûlaient dans de jolis pots finement peints, et les draperies brodées étaient toutes magnifiques. La grande fenêtre ouvrait sur un balcon aménagé comme un jardin, entouré de fleur de jasmin rouge. Bardiya me prenait déjà dans ses bras et m'embrassa le front.

« Vous n'avez plus l'air heureux, constata-t-il.
- Vous avez déjà vos concubines, n'est-ce pas ?
soufflai-je.
- Seriez-vous jalouse ?
- Au contraire. Vous devriez les voir, je me sens très lasse.
- Pour notre nuit de noces, vous osez me dire ça ?
demanda-t-il, vexé.  
- Son Altesse sait que j'ai une santé fragile. La fête et la cérémonie m'ont beaucoup fatiguée.
- Je sais aussi que vous ne voulez pas de ce mariage. Je m'en vais, je dépêche pour vous le médecin royal. »


Il me relâcha aussitôt, une expression grave sur le visage.

« Attendez, j'ai une chose à vous demander, le retins-je timidement.
- Parce qu'il y a une chose que je ne vous ai pas donnée ?
- Je ne voulais pas vous peiner. Ne m'en tenez pas rigueur.
- C'est bon, je suis juste un peu frustré,
répondit-il en souriant. Vous êtes ma princesse, je ferais n'importe quoi pour que vous alliez mieux. »

Je lui rendis son sourire. Bardiya avait un très beau sourire, plein de douceur. J'y ai cru à ce moment.

Maintenant que j'étais régente, je n'avais plus la même liberté. Mais j'étais toujours la même Dana, malicieuse et inventive. Je faisais bonne figure en faisant l'aumône aux plus nécessiteux ou en organisant des collectes. J'utilisais mon influence pour récolter les vêtements, même abîmés, de mes nouvelles « amies » bourgeoises, ou bien j'engageais des ingénieurs afin d'améliorer le travail des agriculteurs et autres ouvriers. Pour mon caprice, Bardiya me dédia un pavillon entier destiné à mes artistes, uniquement des femmes. C'était un lieu que qu'il faisait visiter à ses illustres invités. Je l'avais bien décoré, avec un beau marbre rose, des tentures luxueuses, et des fontaines intérieures dépeignant les naïades et autres figures de grâce et d'insouciance, qui jouaient de divers instruments ou dansaient. Personne, à part mes artistes et moi-même, ne pouvait y séjourner. Je voulais que ce soit un endroit gai et calme. Les concubines étaient jalouses de ce que je recevais sans me donner au prince, elles finirent par s'en prendre à moi. Dans un premier temps, elles accusèrent mes domestiques, faisant exécuter les plus loyaux d'entre eux sous des prétextes débiles. Il y eut le feu dans mon Pavillon des Arts, puis je fus accusée d'infidélité par mes nouvelles servantes, sûrement engagées par mes pseudos rivales. Ma supériorité et mes privilèges n'en furent que plus affichés : Bardiya éventa les soupçons en les réprimandant sévèrement. La première concubine fut condamnée à s'agenouiller chaque fois qu'elle me verrait, la seconde devait laver mon linge. Le reste du gynécée me craignait sans que j'ai eu à intervenir grâce à cela.

En dépit de ces nouvelles, mon cœur et ma tête n'étaient pas en fête. J'étais hantée par ce que j'avais fait et rien ne me le faisais oublier. Je consultais Aour pour savoir si je ferais bien de rester avec Bardiya plutôt que Shahin, ce à quoi il me répondit que Tarazed était favorable à cette alliance royale. J'étais désappointée, bien que j'osai lui demander ce qu'il se passerait si je faisais un choix différent. Hélas, Tarazed n'était qu'un dieu capricieux, il n'y avait que sa volonté qui devait compter...



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Dana Yelmaz
Jeu 2 Avr - 12:59
Quatrième partie


Mille étranges pensées,
Mille tourments secrets,
Mille offenses passées,
Mille cuisants regrets
Forcent ma patience, et ne me laissent point
Endormir au souci qui sans cesse me point.


Moi au pouvoir, les aubes sanglante s'annonçaient. Je sentais que Tarazed gagnait en force et en puissance. J'avais l'impression que son odeur belliqueuse m'imprégnait toute entière. Toujours active dans la régence de la principauté, j'étais adroite et juste. Les décisions que ne savait pas prendre Bardiya, je les prenais à sa place. En tant de famine, j'imposais les impôts aux seigneurs, déduisant les tribus si ils avaient eu lieu, et j'interdisais les taxes supplémentaires auprès des paysans qui étaient accablés par la maladie ou le labeur difficile contre l'infortune et la météo. Je me fis des ennemis, je faillis être assassinée bien des fois, on chercha à me confondre dans des crimes pour me faire tomber. Je ne m'en fatiguais pas et maintenais le cap, même la reine d'Esfandyar voulut déshériter Bardiya pour les initiatives que je forçais. L'une des mes décisions controversées fut de rompre les accords commerciaux avec la nation vindicative de Theerakl. Son dirigeant, le roi Daveen, réussit à m'enlever pour s'attirer les faveurs divines et me marier à son premier fils. Le plus grand stratège du royaume était mon ravisseur, il mit à mal ma patience. Nous parvînmes à contre-attaquer et à dominer définitivement ce territoire. Les annonces publiques mettaient le nom de mon époux, mais tous savaient que j'étais la principale instigatrice de ce qui se tramait généralement. Suite à cela, je mis au point, aidée par Tarazed, un sortilège pour avoir un enfant et mon père me nomma duchesse consort d'Embréis. Ce calcul simple nous valut, à mon époux et moi, de devenir roi et reine d'Esfandyar.

Nous obtînmes l'île des Djinn des Eaux, Vedryal, puis on s'attaqua au royaume de Zäfreen, protégé par la déesse Lilzari et ses puissants colosses. Mes pouvoirs risquaient d'être insuffisant, c'est pour cela que Bardiya débuta le culte de la défunte déesse Istaara, afin de m'égaler et pouvoir attaquer les colosses lilins (de Lilzari). Je fus affaiblie par cette offensive, où, pour la première fois, j'utilisais plus radicalement les pouvoir que le Fléau des Étoiles m'avaient offerts. Il ne m'avait fallu qu'un sort, fatalement létal, pour gagner cette guerre et dissuader nos adversaires. Là où j'avais commis un génocide, je fus élevée au rang de martyr. Mon père et mon prêtre furent pleinement satisfaits de l'usage que j'avais fait de ma puissance, tandis que j'en eus de vifs remords. J'eus mes premières envies suicidaires, n'acceptant pas le paradoxe d'être adulée pour avoir exterminer des milliers d'hommes. La colère de leurs familles me rappelait ma condition de femmes ; je voulais plus de pouvoir, faire des conquêtes, réunir les peuples... mais j'avais du sang sur les mains, ce qui me désola énormément.

Avec le temps, je gagnais sans cesse cesse en autorité et en puissance. Bien qu'étant un ventre pour la plupart des conseillers et ministres, je fus vite admise comme régente efficace. Toutefois, Bardiya ne réussissait pas de la même façon. Il était beaucoup plus violent qu'avant et n'hésitait plus à rendre possible ses nouvelles ambitions ; acquérir de nouveaux territoires. On m'interdisait souvent les champs de batailles, il fallait admettre que j'avais bien plus de mal qu'avant à utiliser les dons divins qui m'avaient été offerts. Il me faudrait bientôt une nouvelle solution, j'avais beau m'entraîner j'étais dépassée par la puissance constamment croissante. Je sentais que je devais achever mon Baptême de Sang de façon plus traditionnelle pour bénéficier pleinement des avantages du dieu que je représentais.

J'étais quand même parvenue à mener des campagnes de renfort quand mon époux était sur les fronts principaux. Je devais superviser les enquêtes royales, me souvenant de celle qui attentat à la vie de mon fils. Pour sa protection, je dus l'envoyer auprès de la reine mère se réfugier dans une retraite de méditation, avec plus de regrets qu'on ne l'imagine. Je me consolais par la réussite de mon règne, le peuple entier me respectait, et chaque nation qui se joignait à la notre reniait facilement ses précédents régents pour s'allier à nous. J'augmentais le pouvoir de Tarazed en grossissant le nombre de ses fidèles, ses cultes avaient supplantés ceux des autres dieux avec une grande facilité. Qu'importe le danger, rien ne m'arrêtait.

Malheureusement, tout ces combats m'épuisaient, à l'âge de seulement vingt ans je me retrouvai presque immobilisée par ma santé depuis le sort que j'avais lancé à Zäfreen. Je ne regrettai pas les aventures vécues, pourtant je dus confier temporairement l'épée de Tarazed à Aour afin qu'elle ne m'abîme pas trop. Il l'utilisait sous la supervision de Walefzar, bien que contrairement à moi il ne semblait pas aussi faible pour la maîtriser. Finalement, j'appris que Bardiya avait finit son initiation aux Mystères d'Istaara, la déesse tuée par Tarazed, justement dans le but de se protéger de mes pouvoirs. Je pus lui confier l'épée, pressentant qu'il pourrait mieux l'utiliser que moi. Si il avait eut ma force et mes pouvoirs, nous aurions tous été fichus pour de bon. Néanmoins, il restait un homme, et tout roi qu'il était il fut blessé gravement, jusqu'à  risquer l'amputation de sa jambe gauche malgré sa victoire lors d'une bataille pour un pays allié. Après l'avoir sauvé et procuré les premiers soins, Shahin l'escorta avec ses hommes. Ils furent accueillis en avance avec honneur et mérites lors d'un banquet. Pour avoir sauvé en personne mon époux, mon amant se trouvait à la place des invités les plus illustres. Vins et mets délicieux se laissaient déguster dans une ambiance joyeuse.

« N'est-ce pas, cher seigneur, que vous avez sauvé notre reine durant sa première guerre ?  demanda l'épouse d'un capitaine.
- Je l'ai entendu aussi !
répliqua avec joie une autre dame aussi distinguée. Vous protégez l'amour, dirait-on ! Vous savez, beau maréchal, vous n'avez qu'à demander et nous vous proposerons les jeunes filles du pays les plus exquises ! La comtesse de Frilemantes... »

Elle reçut un coup et s'arrêta subitement, sentant qu'elle avait faillit s'éloigner des convenances. Son mari prit le dessus, racontant les moments les plus forts de la bataille, et de conclure :

« Avec une reine comme vous, on ne peut que la remercier par nos victoires. »

A la fin de ces mots, j'acquiesçai d'un signe de tête et un sourire, qu'il me rendit avec plus d'engouement en levant son verre. Je me penchais discrètement vers Shahin, sans le regarder, levant mon verre en même temps que les autres, pendant que le sujet et l'attention se portaient ailleurs. Sous la table, je lui glissai sur la cuisse un mouchoir parfumé de rose, de bergamote et d'ambre. Une fragrance reçue de lui lorsque nous étions fiancés.

« Ce sera difficile d'être sans compagnie, lui susurrai-je, lorsque je sentirais ce parfum qui me fera croire que vous êtes là.
- Dois-je arranger pour ma reine un nouveau mariage ?
répondit-il d'un ton sarcastique, mais que j'entendais milleux.
- Qu'espérer de mieux que le Printemps nouveau d'Istaara pour trouver un accord ?
- Il n'y a pas d'asile pour les fraudeurs si ils sont démasqués, Votre Majesté.
- En ce cas, je me réfugierai dans l'hiver d'un hymen sans amour, tel un jardin sans fleurs,
me défendis-je d'une voix languissante. Je serai lasse, quand on aura pitié de moi, alors que pour apaiser ce mal il ne me faut qu'un peu de vous.
- Dana...
soupira-t-il exaspéré et ennuyé.
- N'est-ce pas, que la plainte de la rose implorant d'être cueillie, est triste et pathétique, et que celui qui l'ignore, n'est qu'un pêcheur cruel qui ne peut retrouver sa vertu ?
- Le pêcheur est peut-être fidèle à son roi,
termina-t-il en regardant ce dernier entrer.  »

La fête fut encore plus forte quand Bardiya nous offrit sa présence, prouvant qu'il allait déjà mieux. Je lui fis bon accueil près de moi, m'éloignant volontairement de ma cible pour mieux l'atteindre, cédant ma place à mon époux.

Plus tard, dans la soirée, je regagnais mes appartements. Je savais que Bardiya ne s'y trouverait pas, les médecins lui avaient déconseillé de s'emporter et de résister le temps d'être vraiment remis. Je m'attendais à voir un autre homme, et mon espérance fut comblée. Pour cette fois uniquement, je priais au fond de moi Hyménée, sachant que même dans sa pudeur elle savait faire naître les passions innocentes des amours sincères. Dans la délicatesse, nos lèvres furent égales, pareilles au renouveau qui donne autant à son premier jour et sa première nuit. Je voulus promis à Shahin que ce serait la dernière fois, bien que j'en désirais plus. Nous ne voulions pas de cet amour incomplet que même la déesse ne voudrait plus protéger. Malheureusement, je ne pouvais quitter le roi à l'autorité trop brutale, et risquer de détruire ce que j'ai eu du mal à mettre en place pour le bien d'Esfandyar.

Tarazed avait visiblement accepté le sacrifice de ma virginité. Désormais plus forte, je contrôlais mieux mon énergie. N'allez pas croire que j'étais insensible à ce que j'avais fait. Si j'avais aimé mon mari, je ne l'aurais pas trompé. Toutefois, après mes quelques désobéissances, je ne pouvais pas faire autrement, et je n'avais droit qu'à un seul essai. Comme pour me faire pardonner, également pour le protéger, je mis au point un enchantement pour que Bardiya ne puisse être atteint par les sortilèges, surtout ceux de mon père, et je l'aidai à vaincre la manticore d'un enchanteur réputé. Ces machinations lui permettraient d'être pratiquement invincible, il ne m'en remercia qu'avec passion et nous eûmes un second enfant. À ce moment là, j'avais beaucoup d'affection pour lui. Ma vie me semblait idéale, si douce... jusqu'à ce que la réalité me rattrape.



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Dana Yelmaz
Jeu 2 Avr - 13:31
Cinquième et dernière partie


Si par sa voix douce et plaintive
Il charme l'écho de vos bois ;
Si les accents de son hautbois
Rendent la bergère pensive ;
C'est encor lui, rendez le moi.
J'ai son amour, il a ma foi.
J'ai son amour, il a ma foi.

La vie serait bien terne si elle devenait suffisante, ne serait-ce qu'un jour. Je savais que mes mensonges et mes cachotteries se sauraient, je n'ai même pas pris la peine de courir contre le temps. Le tournant qui m'était fatal avait prit la forme d'une voyante habile dans son art et avait confié, à la demande de mon mari, ses visions à mon sujet. J'étais dans ma salle d'armes à nettoyer mon armure, tôt le matin, quand il fit irruption, inquiet et abasourdi.

« Que se passe-t-il ? demandai-je, intriguée.
- Je n'ai pas pu dormir cette nuit. J'ai appris que tu... que tu seras liée à un autre homme.
- Oh... le destin est plein de surprise.
- Tu pourrais être mariée à d'autre, tu me quitteras, tu...
- De la charlatannerie, rien d'autre, mon chéri.
- Qu'as-tu à te reprocher ?
interrogea-t-il encore plus abattu.
- Bardiya, ménage tes émotions. Je suis là, avec toi, il n'y a aucun autre homme que j'envisage d'épouser. Qui pourrait t'égaler, ici bas ?
- Mon oiseau, cette voyante ne s'est jamais trompée. Si tu me quittes, je deviendrais fou. Je sais que je suis pas le meilleur des maris, mais je te jure sur le Styx qu'aucune femme n'a ton importance dans ma vie.
- Jusqu'à la mort, je servirai la couronne et te servirai, toi, mon époux.
- Est-ce que tu me dis tout ?
ajouta-t-il d'un ton suspicieux pendant que je lui caressais la joue.
- Pour ton bien être mon ami, tu n'as rien à savoir d'autre.
- Pas de tromperie à me confier ?
- Si je te le disais,
chuchotai-je en riant, tu me tueras, et ce qui est en phase de devenir un empire sombrera dans la ruine. Vis avec.
- Schems, je n'y arriverai pas... Je ne te laisserai jamais partir, même si tu comptes me trahir. »


Il attrapa ma main et y blottit ses lèvres avant de m'embrasser. Je ne ressentais pas d'amour dans ses gestes, juste la quête de dissiper le doute qu'un jour je ne sois plus là, pour lui ou le royaume.

Progressivement, Bardiya devint de plus en plus difficile à gérer, voir impossible. Il me faisait surveiller nuit et jour. Je dus me retenir à plusieurs reprises de poursuivre le conflit, mais pour le bien de tout le monde je m'en abstenais. J'avais un problème plus grave que mon prêtre fut heureux de me mettre sous le nez. Il s'invita avec force pour revenir à mon service, il m'était utile pour calmer mon époux et ses mauvaise humeurs, mais également pour discuter d'une chose que j'avais faite qui n'était pas tout à fait au goût de Tarazed ; j'avais finit par sacrifier ma virginité, comme l'exigeait ses rites, mais j'avais cracher sur son titre. Pourtant j'étais contente, depuis que cela avait été fait, je me sentais plus forte et apte à conserver l'épée ou encore la manier. Je dus faire un nouveau pèlerinage et lui présenter Shahin comme celui que je désirais comme époux.

Cela avait des airs d'explorations, trois gais lurons qui partaient pour une petite aventure avec leurs petits bagages. Nous partions dans une chapelle rudimentaire, toutefois Aour avait prévenu que cela pourrait mal se passer. La bâtisse était déserte, elle n'était utilisée qu'en saison chaude et il faisait glacial. Nous allumâmes nous même les torches et chandelles, rendant l'endroit plus vivant. Shahin était mal à l'aise avec ces idées, mais il espérait que notre union soit bénie par Tarazed. Je ne fis pas de danse cette fois, uniquement des prières. Une nuit ininterrompue de supplications de notre part à tous les trois pour qu'enfin apparaisse le dieu d'or. Mon amant fut endormi à son arrivée, tombant au sol, avec le prêtre.

« Je suis fier de toi Schemselnihar, tu as beaucoup œuvré en mon nom et le tiens. Aour... Il a eu beaucoup de patience et de calme pour rester à tes côtés, parlait-il de sa voix ineffable. Que ton odeur est agréable... je te sens plus puissante. Je t'écoute, belle ambassadrice, formule ta requête.
- Le salut soit sur toi Tarazed,
répondis-je, hésitante. J'aimerai que tu bénisses mon union avec cet homme.
- Je ne peux rien te refuser... je la bénirai le jour où tu auras partagé vos sangs sur une seule et même lame. Mais un seul de tes époux pourra vivre, il t'appartient de choisir.
- Tu as dit que j'aurais tout ce que je désire si je te servais,
répliquai-je énervée.
- Sous conditions de m'obéir et m'honorer. Tu n'as pas réclamé ma clémence pour t'unir à ce vulgaire soldat et tu as sali le nom que je t'ai offert.
- Tes conditions sont floues comme les façons de t'honorer. Alors je ne suis plus ta belle ambassadrice ? Ta puissante championne ? Je peux partir maintenant sans rien... »


Une forte bourrasque ébranla les vitrages, les portes, et souffla toutes les flammes. Conservant son apparence calme, il se rapprocha de moi jusqu'à frôler mon visage. Sans me démonter, je le regardais bien en face. J'avais en moi une arme capable de l'anéantir, et quand je saurais comment le faire, je le ferais.

« Tu ressembles juste à mes innombrables épouses sacrées. Tu as bien fait ton devoir, et tu seras toujours la misérable pucelle venue me supplier après avoir refusé de se sacrifier, il insista sur le dernier mot. Je te serais pour toujours clément... tes pêchers n'existent que si je les valide. »

Sans un adieu, il disparut dans le petit matin. Je l'évoquais à mes compagnons de voyages, ignorant la jalousie d'Aour qui n'avait pu voir son dieu adoré. Shahin attendait une décision de ma part, pourtant il confessa :

« Pour moi c'est pareil. Je peux pas vivre si il vit, un de nous deux doit mourir. Mais pas toi Dana. Le royaume pourra pas tenir sans toi.
- Tarazed ne le permettrait pas,
renchérit le jeune prêtre.
- Pourquoi tu crois que je te tuerais ? Je te veux près de moi Shahin. Qu'importe ce que pense Tarazed.
- Tu dois aussi penser à Esfandyar avant de penser à moi ou à Bardiya. Je suis pas le meilleur choix, mais je me battrais jusqu'au bout.
- Je ne sais pas quoi faire... Au fond, il ne m'a rien fait de mal... »


Pendant les mois qui passèrent, mon époux réussi à unifier les différents états conquis sous une bannière unique et définitive dans les textes ; l'empire d'Esfandyar. Je n'avais pu l'aider la première année car j'étais enceinte, cette fois-ci sans artifice, pour un temps qui m'avait semblé être une éternité. Une éternité qui se finit au bout de trois cent quarante-cinq jours. Personne n'avait le droit de me visiter à l'exception de ma mère et d'une sage femme pour limiter les maladies ou les attentats, à cause d'un empoisonnement qui me visait. À partir de là, aucun geste ne m'était permis si il n'était approuvé et consigné par ma propre mère, qui sut malgré cela me consoler et me montrer son bonheur d'être de nouveau grand-mère. Une certitude me venait, la grossesse d'une nephilim croisée avec les pouvoirs des cieux n'étaient pas des plus favorables, c'était en réalité contre nature. Mon corps semblait se battre contre cet enfant. L'idée d'être mère ne m'avait jamais déplu jusqu'à en subir le tourment, j'ai eu la faiblesse d'espérer mourir que souffrir encore, un espoir qui revint le jour de la délivrance.

Je ne restais pas à rien faire, je travaillais discrètement avec le ministre de la guerre et des généraux qui furent soudoyés ou menacés. J'avais très peu d'espions, mais ils étaient efficaces. En œuvrant dans l'ombre, je réussis à précipiter la signature de la paix à l'insu du roi, obtenant un tribu conséquent contre la garantie d'un mariage avec un membre de la famille impériale. La complexité de cette guerre contre Qwanesh résidait dans les alliances ennemies, rendues plus difficiles depuis que mon père avait enceintée la princesse à qui j'étais farouchement opposée. Craignant que mon heure ne vienne, je confiais à mon mari mes documents secrets, me pensant à l'agonie de la mort lorsque j'enfantais. J'avais aussi donné des instructions au début de la grossesse, sachant qu'il n'aurait pas le courage j'avais confié à un notaire mes instructions sur papier : si il fallait choisir entre la femme et l'enfant, l'enfant prévaut à chaque question. Lui n'aurait pas supporté, et au moment où il voulut donner ses propres consignes, à savoir de garder la femme plutôt que l'enfant, il fut désespéré et exigea qu'on lui donne le document pour le détruire – ce qui ne fut pas possible. Au petit matin, le rossignol chanta à la venue du deuxième prince, et une fête commença juste après, sous les hourras de la cour. Je ne le pris qu'une fois dans mes bras, après cela Bardiya l'envoya chez mon père sans me demander mon avis. Ils furent absents aux festivités qui durèrent trois jours.

Au troisième jour, je me fis lever tôt par mon mari. En habits de chasse, il venait m'apporter le décret qui me proclamait impératrice. Ensommeillée, je lisais le vélin avec une grande déférence.

« Toute souveraine que je suis, je n'ai pas mes enfants près de moi, dis-je d'un air assorti à ma voix.
- J'ai cru que tu allais mourir. Et ton prêtre aussi. Ce qui l'a poussé à me parler de ta liaison en dehors de notre mariage. J'ai pas compris pourquoi il m'en a parlé, il a dit avoir reçu des ordres. Ton deuxième fils est-il également le miens ou celui de mon maréchal ?
- Il l'est. Pour la pérennité de notre règne, je n'aurais pas fait l'erreur de mettre un enfant maudit au monde. Cette relation était terminée bien avant que je ne sois enceinte.
- D'accord... Ton père s'est proposé de prendre les enfants pour les protéger de nous. Je sais que tu vas faire un choix, par rapport à ce que m'a confié Aour j'ai pris mes dispositions. J'ai cru que tu m'aimais et qu'on s'entendait enfin... »


Il y avait un bol de fruits secs à mon chevet, que je devais consommer pour retrouver des forces. Je l'attrapais et frappais Bardiya avec beaucoup de rage. J'avais du bien récupérer, car bien qu'il me désarma de l'ustensile je parvins à lui mettre mon poing dans la figure. Je ressentais encore la fatigue de l'accouchement et des douleurs, toutefois je me sentais capable de le tuer si il ne m'avait pas arrêter, m'étranglant pour répliquer. Ma dame de compagnie, Môzghan, venait avec mon petit déjeuner, lâchant le plateau et supplia en criant qu'il ne me tue pas, se frappant presque le front à terre. Presque à court de souffle, je lui donnais encore une gifle, et cette fois la servante me supplia moi de ne pas envenimer les choses en attrapant ma chemise de nuit. On se dévisageait avec une rage difficile à décrire. Si nous avions été des chiens affamés avec entre nous le dernier morceau de viande de ce monde, notre animosité serait de ce degré.

« Ce royaume, cet empire, ces guerres gagnées, tout ça porte mon nom ! Ce peuple, c'est moi qui l'ai aimé, redressé et motivé ! Tu n'es qu'un affreux barbare, rien que le roi des cons ! J'ai deux fils, et de toi je n'ai plus de nécessité ! »

La dame de compagnie s'interposa entre nous, mais elle fit un geste qui parla plus que tout les mots ; elle se jeta sur moi et me tint par le cou, pleurant dans mon vêtement, préférant recevoir les coups à ma place.

« Une pute et une menteuse, c'est tout ce que je vois.
- Ramène-moi mes fils ! Je suis impératrice bordel, pas la première gueuse que tu montes !
hurlai-je pendant qu'il repartait.
- T'as qu'à faire ton choix ! dit-il d'une même sonorité. »

Sauf qu'avec des otages aussi précieux, il savait qu'il avait le dernier mot. Notre relation se dégrada fortement, bien qu'il essaya de calmer les choses. Le tribu de Qwanesh que j'avais obtenu me fut entièrement versé lorsque le traité fut en vigueur un mois après la signature au lieu d'aller dans la trésorerie royale. Leurs princes furent sous mon protectorat et j'en pris grand soin, ce qui était un honneur important. Bardiya me céda de nombreux territoires stratégiques et fit un nouveau contrat de mariage en ma faveur, pour me prouver son amour il ne cessa de commander des œuvres à mon effigie, si bien que le palais ressemblait plus à un musée sur ma personne et qu'à chaque banquet il y avait plusieurs musiques et chants à mon nom. Je n'étais pas moins populaire qu'avant, il s'en rendait compte. J'ai toujours été proche du peuple, encourageant nos producteurs de toutes sortes, participant aux fêtes populaires jusqu'à encourager les plus nobles à faire de même. En guerre je refusais d'avoir plus de confort et de nourriture que mes hommes. Il le savait sans m'avoir jamais jalousé. Le seul reproche qu'il me faisait, c'était d'en avoir aimé un autre.

Un autre qui ne supportait pas que je vive malheureuse dans mon intimité. Il savait que je n'avais pas de répit, mon mari profitait de mes enfants pour m'atteindre. Le soutien de mon père me fut cette fois refusé, il jouait le même jeu que son gendre. Je ne devins pas folle, il me restait encore un peu d'espoir et de raison. Je replongeais à nouveau dans les paradis artificiels, ce qui me rendait la gestion de l'empire plus simple. Des fois, on parlait d'Empire Yelmide et non d'Esfandyar, même si ce n'était pas le nom officiel.  

À quelques semaines des Estraphories, fêtes données en l'honneur de Tarazed, nos sujets se réjouissaient de la fin des guerres. On avait conquis suffisamment de territoires, on stabilisait les états obtenus avant d'envisager de nouvelles campagnes. Pour l'heure, le temps était à la joie et aux rires. J'avais parlé plus tôt à Shahin, qui m'avait rejoint dans ma chambre dans la matinée. Il ne fallut qu'une étincelle pour attiser notre feu, sauf que nous devions parler.

« Il a mes fils. Je n'ai pas envie de te tuer. Mais je ne peux pas tuer Bardiya, mon père l'aide.
- Je sais ce qu'il a fait à tes danseuses, et je veux pas imaginer ce qu'il te fait à toi.
- À moi il me fait rien, rassure toi. Il utilise ce procédé horrible et mesquin... Le souffre douleur... Mais c'est rare, je te le promets.
- Tu veux faire quoi ? C'est un crime de laisser ma souveraine entre ses mains ! Si tu ne fais rien, j'agirais.
- Je le tuerai un jour, mais pas maintenant... Tu devrais partir, tu ne sers plus dans sa garde et ce serait bizarre qu'on te trouve dans le palais. »


Il fut éloigné de moi par un mariage proposé par mon mari. Une promotion sociale et une autre professionnelle qu'il ne pouvait pas refuser. Je souhaiterais réécrire la fin de mon histoire, hélas, c'est impossible. Ma relation se dégrada fortement avec Bardiya. Je perdis des amis, me fit de nouveaux ennemis... Contre mon gré, j'eus un troisième enfant, qui me fut enlevé lui aussi. J'eus un mince espoir de m'affranchir du pouvoir, tout en en réclamant plus. Surtout lorsque j'appris l'existence du Destructeur de Dieux. Certes, je ne revis plus avant longtemps mon premier amour, et ma vie semblait être un amoncellement de catastrophes et de victoires ; je soumis un empire, devins la reine des Enfers, puis une déesse... J'avais du surmonter des épreuves, me remettre de mes échecs. Je détenais une puissance que les plus grands voulaient obtenir à tout prix, quitte à me tuer si ils ne pouvaient pas l'avoir.

Par la grâce de la Providence, je réussis à rester vivante. J'avais désiré mourir un nombre incalculable de fois. Et là... Si près du but... J'ai faillit obtenir la plus grande arme, avant d'être renvoyée sur terre après des miens. La santé mentale de mon mari vrillait, ce qui était compréhensif ; il m'avait vue, comme prédit, mariée à un autre homme, puis courtisée par un dieu, avant de lui être complètement retirée. Il ne savait plus si il m'adorait ou me haïssait, bien qu'il dut avoir de la peine pour moi. J'étais devenue... brisée par ce qui m'était arrivé. Il ne reconnaissait pas la flamboyante combattante qu'il avait épousée autrefois. J'étais presque trop sage, trop calme. Il ne comprenait pas mon besoin de solitude, lui qui avait tant attendu que je revienne... il ne comprenait pas mes silences, ma docilité soudaine.

Mon ancien amant en exil eu vent de mes mésaventures, il était parvenu à s'introduire jusqu'à moi pendant que je vérifiais les préparatifs de la fête du printemps, en l'honneur d'Istaara. C'était une chose que je n'aurais jamais faite auparavant, je détestais organiser des réceptions ! Heureusement que Shahin égayait cela, dans la pénombre. Il avait fini déserteur, si un garde le prenait il pouvait être exécuté sur le champs. J'essayais de le convaincre de partir, sauf qu'il refusa. Le beau soldat désirait que je prenne le large à ses côtés. Je n'étais plus tentée, rien ne pouvait me plaire. J'essayais de lui expliquer, mais on fut interrompus par Bardiya, fou de rage. La suite, nous la connaissons...
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« Les médecins pour la salle des fêtes ! Les médecins pour la salle des fêtes ! »

Je savais que mon heure arrivait, et je voyais le visage de mon époux au dessus du miens. Par manque de force, ma tête tomba sur le côté, je regardais à travers mes yeux mi-clos le corps inanimé de mon amant, mais mes dernières pensées allaient toutes entières vers la mort que je suppliais depuis si longtemps. Bardyia tint mon visage face au siens lorsqu'autre chose attira mon regard ; des  anges de lumières arrivèrent à moi. Le les dieux m'avaient prévenue, si je souffrais trop, on viendrait me chercher. Il ne m'était même pas permis de mourir.

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